Kit de survie
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Que vaut l’adaptation cinématographique du célèbre roman Le Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates ? Si la question de la fidélité au roman intéresse finalement peu, il s’agira de plonger dans les arcanes de ce qui fait un bon film et non plus de ce qui fait vibrer un lecteur. Même si ici, les livres sont omniprésents, cercle littéraire oblige. Entrons donc au cœur du Cercle littéraire de Guernesey.
Si la niaiserie était l’égale de la platitude cinématographique alors Le Cercle littéraire de Guernesey serait un exemple hyperbolique du genre. Bien sûr l’histoire romanesque pouvait intriguer dans les pages d’un livre, mais au cinéma cela donne un plat livre d’images (et il y a de quoi faire sur cette belle île), mais pas à la sauce Godard, plutôt une sauce sucrée, bien mielleuse qui fait bâiller ou agace pendant les tout de même deux heures et trois minutes que dure le film. Nous voyons en effet défiler d’abord les images de gens qui s’écrivent, on les voit donc écrire. La feuille, le stylo, l’action d’écrire, tout y est, jusqu’à en perdre la poésie, la frénésie d’écrire que pourtant décrivait si bien Paterson récemment. L’histoire est déjà mille fois vue, la naïve, ici, une écrivaine de seconde zone qui se prend pour Proust, part à la rencontre d’un cercle littéraire ayant vécu la guerre (mais très très théoriquement dans le film ou de manière vraiment sim-pli-fiée, embellie parce que tout le monde est beau et gentil !). Elle s’immisce dans leurs vies, en naïve qu’elle est, et dénoue peu à peu les fils d’une « vérité » à peine voilée tant le spectateur devine au moins quarante minutes avant elle (donc des mois dans le récit) le fin mot de l’histoire. Tout comme le spectateur sait que les deux protagonistes présents sur l’affiche vont s’embrasser, se marier, faire de beaux enfants et rendre la vie tellement plus belle. L’idée pourtant n’est pas mauvaise, quand elle reçoit des lettres, la jeune Juliet ressent la même chose que son interlocuteur : la capacité des livres à nous transcender, à changer nos vies. Certes, c’est une belle idée. Mais de littérature, il n’est finalement que très très peu question dans cette romance sur fond de guerre (et de pseudo libération féminine, mais attention avec une bague au doigt !). La saveur piquante n’apparaît que deux fois dans le film : quand les protagonistes hauts en couleurs (et en caricatures) se disputent sur la supériorité d’Emily sur Anne Brontë, que Juliet défend pourtant bec et ongles et lors du générique !
Des patates, des livres et des (bons) sentiments
Là où le film pêche c’est dans l’originalité de son récit et la profondeur de sa mise en scène. Cette dernière est réduite à néant et paradoxalement dans les moments forts, comme lorsque Mark surprend le début d’une étreinte entre Juliet et son beau correspondant. Aucune profondeur, aucun enjeu dans la manière dont les personnages sont mis en scène, placés dans le cadre et mis en action surtout, car les corps au final importent peu. Mais d’autres scènes sont ratées par leur platitude ou leur côté attendu : celle de la rencontre entre Juliet et Dawsey, rencontre avortée parce que les deux ne se reconnaissent pas. Ils seront dès lors toujours confrontés et présentés de la même manière dans les plans : face à face, sans enjeu réel. Pour le reste, des flashbacks qui ne font qu’illustrer ce qui est dit et dont la valeur est donc purement informative ou larmoyante, c’est selon puisque plus on avance dans le récit plus on s’enfonce dans les clichés. Côté prestations, rien à dire tant la fadeur de Lily James, tout en mimiques surjouées, et l’inefficacité des caractères de chaque personnage rendent le tout insipide. Au final, on ne sait pas vraiment si Le Cercle littéraire de Guernesey est une adaptation fidèle du roman des amateurs d’épluchures de patates, mais une chose est sûre, ce n’est pas un bon film, tout juste un divertissement bâclé mettant laborieusement en scène des enjeux sentimentaux et de bons gros sentiments.
Créée
le 18 juil. 2018
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