Le Cercle Des Poètes Disparus est ce que le langage courant a décidé d’appeler, à l’époque, un film « de génération », il y en a eu d’autres, bien français ceux-là, comme Le Grand Bleu ou Les Nuits Fauves. Des films plus ou moins bons, mais qui correspondent aux aspirations de la jeunesse d’une époque. Celui-ci a une saveur particulière dans nos souvenirs, celui de la nostalgie d’une époque rêvée et heureuse mais révolue, celui de la découverte d’un acteur de génie, qui explose à l’écran après avoir eu quelques jolis succès comme Good Morning Vietman et finalement, l’amour redécouvert de la philosophie et de la littérature.


Imaginez une école élitiste à l’ancienne avec les boiseries, élèves en costume cravate, professeurs momifiés à la forte odeur de rance et principes éducatifs qui n’ont pas évolué depuis qu’Adam &Eve. Ajoutez les Quatre Piliers : Tradition, Honneur, Discipline et Excellence et vous obtenez l’idée même de l’école où il fait bon mettre le désordre. Débarque comme un chien dans un jeu de quilles, le professeur de littérature Keating, déterminé à « forger des esprits libres », et aux méthodes d’éducation qui datent, elles, de l’année dernière. Tout d’abord déroutés par des cours pour le moins surprenants, ses élèves s’attachent peu à peu à ce professeur, qui croit en eux sans se sentir obligé de les humilier et qui va tout doucement les révéler à eux-mêmes.


Toute la force de ce film réside dans cette métamorphose, d’élèves qui réussissent peu à peu à s'affranchir d’un univers régit par des codes sociaux, qui ne trouvent leur justification que dans les traditions. Clairement, Peter Weir joue à fond la carte de l’identification aux personnages et quand on est soi-même adolescent, on ne peut que ressentir de l’empathie pour cette bande de potes, qui vont transgresser tout ce qui leur est habituellement interdit : boire de l’alcool, aller voir les filles, sortir après le couvre-feu, tout ça pour enfin découvrir une liberté morale qui leur fait tant défaut.


Mais ce film n’aurait pas été le même sans ces acteurs principaux si bien choisis. Robin Williams évidemment, dont le nom colle éternellement à celui du professeur Keating, il est exubérant, excessif bref, parfait pour un rôle de marginal de l’éducation. Mais il sait aussi se faire grave et touchant lorsqu’un drame est imputé à ses méthodes éducatives et cette scène, où un élève vient le voir dans son bureau sur fond de concerto pour piano n°5 de Beethoven, est tout à la fois bouleversante et incroyablement intime. On s'y sent chez soi au chaud et rassuré. Ce film sera aussi le début de carrière (plus ou moins longue et fructueuse) pour certains acteurs, parfois retombés dans l’oubli, qu’il s’agisse de Robert Sean Leonard qui reprendra vie dans Dr House ou Ethan Hawke qui s’est forgé une carrière sinon mémorable, du moins honorable.


C'est un film impressionniste, l’impression des images qu’il laisse dans les yeux comme lorsque vous les fermez après avoir regardé le soleil en face. Qui a oublié la partie de rugby sur l’Hymne A La Joie ? Les élèves debout sur le bureau de Keating ? La visite face aux vitrines des anciens élèves ? Le « yawp » barbare ? La poésie qu’on ne mesure pas comme de la tuyauterie ? Le « c’est Dieu au téléphone, il demande qu’il y ait des filles à Welton » ? Et pour finir, ces élèves, le plus timide en premier, montant sur leur bureau en un ultime hommage à leur professeur abusivement renvoyé ?


Ode à la vie, ode à l’amour de la connaissance, ode à la liberté, Le Cercle Des Poètes Disparus est tout à la fois. Les quelques dialogues un peu indigents, ne viennent en rien entamer l’enthousiasme de Peter Weir et de son équipe pour l'histoire qu’ils nous transmettent avec une sincérité déconcertante. Peut-être qu’aujourd’hui, à une époque qui se prend trop au sérieux, ce film parait très naïf, mais il reste un souffle d’espoir et d’optimisme qui pousse en avant et redonne envie de vie.

Jambalaya
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le 3 déc. 2013

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Jambalaya

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