URSS, 1938. Staline purge ses propres rangs. Certains hommes du NKVD qui mettent en œuvre la répression sont eux-mêmes arrêtés et exécutés. Capitaine zélé du NKVD, Volkonogov se sait parmi les condamnés et s’échappe. Dans sa fuite, il va chercher à expier ses fautes en recueillant le pardon des familles de ses victimes...

Le Capitaine Volkonogov s’est échappé est un thriller dramatique russe de Natasha Merkulova et Aleksey Chupov.

Préambule: La plupart des films russes ou soviétiques que j'avais vu jusqu'à présent étaient plutôt des films d'auteurs à haute densité intellectuelle (Films de Tarkovsky...Hardcore Henry d' Ilya Naishuller mis à part^^) ou rendant hommage au nationalisme soviétique et au Panthéon de ses héros historiques (Alexandre Nevski).

Le capitaine Volkonogov s'est échappé appartient à la catégorie des films de traque sur fond politico historique (C'est donc un film d'action). Il est basé sur le contexte particulier des périodes de "purges" successives mises en oeuvre par Staline, celle qui nous intéresse se déroulant en 1938.

Commençons par une petite anecdote historique. Lorsqu'Adolf Hitler, qui s'apprêtait à déclarer la guerre à une grande partie du monde, a appris les purges successives de Staline contre son propre peuple, il a beaucoup ri avec son état major et déclaré que Staline était complètement fou de décimer ses propres troupes. Par conséquent et en dépit du pacte de non agression Germano-Soviétique conclu en 1939, Hitler savait déjà pertinement qu'il briserait ce pacte pour envahir le pays rival communiste, l'ennemi de toujours considéré comme affaibli lors de l'opération Barbarossa d'invasion de l'URSS et des pays d'Europe centrale en 1941.

Le film commence par une partie de volleyball entre 2 équipes d'agents du NKVD (Commissariat du peuple aux Affaires intérieures) dans un grand salon, haut de plafond, garni de lustres imposants et de moulures. Volkonogov se rend au breathing du NKVD, il découvre sur le seuil des locaux le cadavre de son commandant qui vient de se défenestrer. Les hommes du NKVD, tous revêtus de pantalon rouge et chemise noire, portant bretelles et cravate pour la réunion sont appelés les uns après les autres pour une ré-évaluation et quittent la salle. Volkonogov ne voit revenir aucun de ses camarades. Victime d'un mauvais pressentiment, il s'inquiète et prend la fuite après avoir dissimulé un dossier qui comprend les fiches des gens qu'il a torturé et fait éliminer.

Aussitôt, ses collègues se lancent à ses trousses. Le capitaine Volkonogov travaillait tous les jours à obtenir les aveux de gens innocents, soupçonnés en raison de leur ascendance polonaise ou allemande, de leur anti patriotisme supposé, ou de leur spécialisation professionnelle qui était supposée en faire des "proies" pour les nations ennemies. Les séances de méthodes spécifiques (actes de tortures, passage à tabac...) auxquelles Volkonogov participait débouchaient sur des aveux extorqués sous la contrainte qui entrainaient invariablement, dans le secret, l'exécution de la personne soupçonnée par le régime. Les familles n'étaient pas informées. Les exécutions avaient lieu dans la cour des locaux selon un rituel où un gigantesque gaillard patibulaire portant un tablier de boucher envoyait les "coupables" (20 à 40 individus par jour) rejoindre leurs aieux d'une balle dans la tête, les détonations étant couvertes par le bruit permanent du moteur d'un tracteur.

Un paradis inaccessible pour un homme en quête de rédemption

Suite a une vision où son ami, le major Golonyva, victime de la dernière purge, l'avertit qu'il souffre le martyr en Enfer , Volkonogov a la conviction que s'il confesse aux familles des disparus ce qu'il leur a fait subir et qu'il obtient, ne serait ce qu'un pardon, il ira au paradis.

Transformé en VRP en quête de rédemption, victime de sa conscience et hanté par ses crimes, il démarche les familles des proches assassinés, essuyant souvent un accueil hostile, parfois des agressions physiques des personnes contactées. Dangereux pour le régime, il devient bien évidemment la cible des agents de son service et de son commandant, visiblement tuberculeux au dernier stade. La ville est quadrillée, les poursuivants anticipent les déplacements de Volkogonov, arrête toutes ses "cibles" alors que ce dernier s'épuise dans sa quête.

En quête d'un parent de victime pour se faire pardonner au pied d'un immeuble , un homme l'invite à rejoindre Nina Ivanovna, une vieille institutrice mourante dans un état d'abandon et de déchéance absolue, cloitrée depuis un mois dans le grenier de l'immeuble parce qu'en butte à l'hostilité de ses voisins. Son seul tort: sa fille a été arrêtée par le NKVD. Lors d'une séquence vraiment poignante, il la prend dans ses bras, lui dispense quelques soins et la lave. Elle l'enserre et lui passe la main sur le front avec difficulté puis pousse son dernier soupir. Volkonogov est pardonné, c'est tout du moins son intime conviction. Ses poursuivants arrivent. Il prend la fuite sur les toits, est blessé par plusieurs tirs puis se jette volontairement dans le vide et se fracasse le crâne plusieurs étages plus bas, apaisé.

Syndrome de Stockholm

C'est Yuriy Borisov (Compartiment n°6) qui interprète le personnage principal de ce film qui photographie l'une des pages les plus sombres de l'histoire de l'URSS, soumise à la paranoia Stalinienne. L'issue du film est incertaine, le comportement des personnages croisés par Volkonogov interroge souvent par leur dureté ou leur extrême méfiance. C'est ainsi qu'un père de famille, auquel le personnage principal avoue que son fils est mort après voir été torturé, croit à un test de fidélité au régime. Il assomme son visiteur d'un coup de combiné téléphonique et l'attache afin de le livrer au NKVD.

Une petite fille, orpheline de son père victime du NKVD lui aussi assassiné, déclare au capitaine:

" Vous avez dû mieux le torturer que les Franquistes à qui il n'avait rien avoué...."

Nul doute que ce thriller historique, paranoiaque, efficace et violent décrivant une société "aux abois" dont la vie des habitants ne tient qu'à un fil ne plaira pas aux autorités russes actuelles pour qui Staline demeure encore et toujours le petit père des peuples, alors qu'il est responsable de la mort de plusieurs dizaines de millions de personnes en URSS.

Coincé entre l'absurdité de Beckett et l'univers paranoiaque de Kafka, Le capitaine Volkonogov s'est échappé décrit un système totalitaire, malade de sa paranoia, qui s'autodétruit en éliminant ses propres hommes. C'est un film terriblement brutal, noir et désespéré mais diablement efficace.

Trailer https://www.youtube.com/watch?v=iGKqfHULXeU

Ma note: 8/10

dagrey
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le 3 déc. 2023

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