7e film de Preminger, Laura est comme un nébuleux brouillard planant sur les cimes du film noir. Sensoriel, sensuel, tortueux et fascinant, il s’y déploie entre rêve et réalité. Laura est l’héroïne éponyme du roman de Vera Caspary publié en 1942, dont le film est adapté. Les dialogues sont précis et le jeu d’acteur toujours juste, au service d’un scénario fluide, servi par une mise en scène toute en maîtrise et en efficacité. Car  d’abord metteur en scène, Preminger se met au service du scénario en donnant l’impression d’un tout cohérent et sans rupture sur lequel glisse le désir du spectateur. La caméra, en longs travelling, suit les personnages en les saisissant dans toutes les expressions de leurs corps et de leurs visages. Réaliste, le film ne nous épargne pas la dure vérité du monde, soulignée par un noir et blanc rappelant l’expressionnisme germanique et une atmosphère souvent grise et pluvieuse. Le leitmotiv de Laura, mélodie sublime et sensuelle, a été composé par David Raksin. Elle revient de manière lancinante, comme hypnotique, accroissant la fascination du spectateur à l'égard de Laura. L’actrice Gene Terney est l’incarnation idéale de l'insaisissable Laura. Elle porte son rêve, nimbée de beauté et de mystère. Son magnétisme et sa grâce, sa finesse et sa retenue, son regard pénétrant lui permettent de rejoindre cette catégorie d’acteurs qui, de par leur seule présence, éclairent tout un film. Laura fascine, saisie d’abord par des points de vue extérieurs: femme fatale portant ses masques tour à tour, elle capte et polarise le regard des homme et le nôtre propre. Le désir des protagonistes épouse un à un les portraits de Laura, qui forment un tableau de plus en plus opaque à mesure que les descriptions s’accumulent. Laura, l’héroïne comme le film tout entier, échappent et se dérobent, fantômes et réceptacles de nos désirs. Résolument moderne, plus encore qu’un film noir, Laura est une mosaïque mêlant habilement le polar, le romantisme et l’onirisme.

Saicthulhu
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes 2022 en Cinéma, Les films chéris par les mac-mahoniens et 100 Films

Créée

le 30 déc. 2022

Critique lue 60 fois

3 j'aime

Saicthulhu

Écrit par

Critique lue 60 fois

3

D'autres avis sur Laura

Laura
Sergent_Pepper
9

Poussière d’étoile et poudre aux doigts

Après être tombé sous le charme de Gene Tierney dans L’aventure de Mme Muir, il était inconcevable de remettre à plus tard le visionnage de Laura. C’est en effet un film tout entier à la gloire de...

le 6 févr. 2014

99 j'aime

8

Laura
DjeeVanCleef
10

Gene.

Moi, j'ai envie de causer du choc Gene Tierney. Son incroyable rôle de femme moderne en 1944, papillonnant à une époque où ce n'était pas la norme m'a halluciné. Mais c'est surtout elle, son...

le 7 avr. 2013

86 j'aime

21

Laura
raisin_ver
9

Critique de Laura par raisin_ver

Il est très difficile d'écrire sur Laura. Tout d'abord parce que ce film se révèle complexe et est un modèle de perfection. C'est une merveille, un joyau du film noir gorgé de surprises dont...

le 24 mai 2011

44 j'aime

Du même critique

Le Garçon et le Héron
Saicthulhu
7

Miyazaki et les signes

Dernier film de Miyazaki opérant une radicalisation par rapport à ses films majeurs. À l’inverse du réalisme et des tons intimistes du Le Vent se lève, on retrouvera dans Le Garçon et le héron un...

le 5 nov. 2023

3 j'aime

Laura
Saicthulhu
9

Laura (Otto Preminger)

7e film de Preminger, Laura est comme un nébuleux brouillard planant sur les cimes du film noir. Sensoriel, sensuel, tortueux et fascinant, il s’y déploie entre rêve et réalité. Laura est l’héroïne...

le 30 déc. 2022

3 j'aime

True Detective
Saicthulhu
9

True Detective (Saison première)

"Once there was only dark. If you ask me, the light's winning."En 2014, dans la longue obscurité de la nuit, naquit True Detective. Anthologie télévisée américaine créée et écrite par le natif de...

le 12 avr. 2023

3 j'aime