La Vache et le Prisonnier par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Durant cette année 1943 Charles Bailly n'est pas le prisonnier de guerre français le plus à plaindre. En effet il s'occupe des travaux des champs dans une ferme en Allemagne afin de palier au départ du patron moins chanceux puisque mobilisé sur le front russe. Malgré sa relative tranquillité Charles s'ennuie de Paris et rêve d'y retourner sans plus attendre. Il se voit partir en habit de KG et pourquoi pas, en compagnie d'une brave vache qu'il tiendrait en laisse d'une main alors que dans l'autre, il porterait un sceau pour le lait. Les idées les plus simples étant souvent les meilleures, cette affaire devrait plutôt bien se dérouler, pense t-il ! La fermière ayant eu le temps de sympathiser avec le prisonnier se montre réservée sur les chances de réussite d'une telle opération et pourtant, elle lui cède une vache bien pacifique. C'est ainsi que celle-ci répondant au doux nom de Marguerite sera la compagne de "voyage" de Charles Bailly. Malheureusement cette tentative n'est pas la bonne. A la suite d'une mauvaise coïncidence "le couple" est de retour à la ferme. Charles est tenace, il repart avec sa vache qui lui joue un mauvais tour en se mêlant à d'autres "Marguerite". Résultat: les fuyards se retrouvent avec d'autres français dans une scierie. Après d'autres rencontres aussi dangereuses pour Charles que pour Marguerite, ceux-ci finissent enfin par passer la frontière. Charles est en France, il a fait peut-être le plus dur! Après avoir dit adieu à sa vache, un nouveau contrôle se profile. Il monte dans un train en toute hâte mais lorsque l'on monte dans un train, mieux vaut connaître la destination de celui-ci...


Qui n'a pas eu à raconter, après quelques temps passés à l'armée, des petites aventures croustillantes parmi les drames du quotidien ? Là, notre Charles Bailly en tient une bonne, une unique: s'évader le plus simplement du monde sur le mode pacifique, sans violence malgré des rencontres pas toujours réjouissantes. Rendez-vous compte, à côté des évasions à grand spectacle, à grands coups de détonations et de souffrances, nous voyons là la cohabitation d'un homme malin et obstiné avec une vache complètement inconsciente pour traverser toute l'Allemagne, affronter l'ennemi aux détours des chemins et se retrouver sans une égratignure en France! Bien sûr cette épopée nous offre des scènes absolument inattendues et drolatiques, "le champs de Marguerite" faisant partie de celles-ci, le passage du pont par les fuyards entourés par des soldats allemands au garde-à-vous également et bien d'autres encore. En tout cas, il fallait une bonne dose de nostalgie à Charles pour quitter la ferme dans laquelle, pour un prisonnier de guerre, il passait des journées plutôt paisibles. Puis le sort voudra que ce "pays ennemi" le rappelle involontairement à lui pour se retrouver libéré en même temps que ses camarades d'infortune... à la fin de la guerre. En tout cas, le soldat Charles Bailly nous aura entraîné dans une balade assez originale à travers l'Allemagne en compagnie de son amie Marguerite.


Ce film débuta bien mal car l'idée de produire ce roman de Jacques Antoine à l'écran entraîna quelques tiraillements. En effet la concurrence se montra rude entre Claude Autant-Lara qui voulait imposer Bourvil et Henri Verneuil qui désirait travailler avec Fernandel. Ce furent ces derniers qui furent choisis et nul ne s'en plaindra puisque ce film fit un véritable triomphe dans les salles comme à la télévision. Il faut dire que depuis "La table aux crevés" (voir ma critique), les deux hommes avaient collaborés ensemble à pas mal de productions. Celle-ci fut peut-être la cerise sur le gâteau car, à défaut d'être le meilleur rôle à l'écran de Fernandel, ce film est tout à fait dans les normes de l'époque par son sujet un peu franchouillard. De plus savoir qu'un artiste comme Fernandel partageait le rôle titre avec une vache, Marguerite, ne manqua pas d'aiguiser la curiosité des spectateurs qui riaient à gorge déployée... et pourquoi pas ? Il est vrai que nous assistons plus à un comique de situation dans lequel excellait Fernandel que dans une comédie philosophique car si l'on prend beaucoup de plaisir à suivre cette "randonnée", ce n'est certainement pas grâce aux dialogues, en fait très pauvres. Cette œuvre fait partie d'une époque où on allait au cinéma pour voir jouer un acteur et de ce point de vue nous ne sommes pas déçus, la preuve: la recette fonctionne toujours et l'on prend encore du plaisir à déguster cette réalisation d'Henri Verneuil.


C'est vrai que ce film, comme de nombreux autres avec Fernandel, traversent les générations. L'acteur avait un talent aux multiples facettes, sachant alterner les rôles comiques et les rôles dramatiques. Le physique, l'accent, les gestes, les expressions du visage ont fait de lui un comédien de génie. J'aime donc ce film qui mérite toute sa place dans la catégorie des réalisations célèbres du cinéma français.


Extraits du film:
https://www.youtube.com/watch?v=ki8qBmLzphQ

Grard-Rocher
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les bons films. et Cinéma : Entrez dans le monde de la comédie dramatique.

Créée

le 15 juil. 2015

Critique lue 2.8K fois

34 j'aime

21 commentaires

Critique lue 2.8K fois

34
21

D'autres avis sur La Vache et le Prisonnier

La Vache et le Prisonnier
Ugly
8

Vachement bien !

Voici encore un des meilleurs exemples du cinéma populaire français (dans le sens noble du terme), qui comme le Cave se rebiffe, Un singe en hiver ou la Traversée de Paris... sont des inusables. En...

Par

le 30 sept. 2017

18 j'aime

14

La Vache et le Prisonnier
cinewater
8

Critique de La Vache et le Prisonnier par Ciné Water

Ce que j'adore chez Henri Verneuil c'est que ses films ne peuvent prendre que du charme avec l'âge. Ce que j'aime aussi c'est que j'ai pu le voir étant enfant et si je n'irai pas jusqu'à dire qu'il...

le 11 déc. 2011

17 j'aime

11

La Vache et le Prisonnier
pierrick_D_
5

Critique de La Vache et le Prisonnier par pierrick_D_

Lors de la Deuxième Guerre Mondiale,le marseillais Charles Bailly est prisonnier en Allemagne et travaille avec trois autres français dans une ferme tenue par une accorte teutonne.Il lui vient l'idée...

le 13 avr. 2022

13 j'aime

5

Du même critique

Amadeus
Grard-Rocher
9

Critique de Amadeus par Gérard Rocher La Fête de l'Art

"Pardonne Mozart, pardonne à ton assassin!" C'est le cri de désespoir d'un vieil homme usé et rongé par le remords qui retentit, une triste nuit de novembre 1823 à Venise. Ce vieil homme est Antonio...

176 j'aime

68

Mulholland Drive
Grard-Rocher
9

Critique de Mulholland Drive par Gérard Rocher La Fête de l'Art

En pleine nuit sur la petite route de Mulholland Drive, située en surplomb de Los Angeles, un accident de la circulation se produit. La survivante, Rita, est une femme séduisante qui parvient à...

166 j'aime

35

Pierrot le Fou
Grard-Rocher
9

Critique de Pierrot le Fou par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Ferdinand Griffon est entré malgré lui dans le milieu bourgeois par son épouse avec laquelle il vit sans grand enthousiasme. Sa vie brusquement bascule lorsqu'il rencontre au cours d'une réception...

156 j'aime

47