La Soupe aux choux par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Critique éditée le 28 septembre 1922

Je vais vous emmener faire un petit tour dans un endroit un peu perdu du "Bourbonnais" car il s'y passe des choses peu communes. A distance de la ville un hameau de deux maisons, "Les Gourdiflots" reste habité. Deux âmes seules vivent chacun dans leur maison vétuste. L'un, portant le surnom de "Le Glaude" , est un vieux sabotier en compagnie de son chat, veuf depuis quelques années de son épouse Francine. L'autre masure située juste à proximité est occupée par "Le Bombé" dont ce surnom est relatif à sa bosse dans le dos. Leur "solitude" les rend inséparables et un peu complices, le vin étant un bon remède afin de remédier à cet état de fait.

Par une nuit étoilée les deux compères éméchés après avoir absorbé quelques bouteilles et leur portion de "soupe aux choux" se livrent à un concours de flatulences très sonores. C'est à partir de ce moment que des choses étranges vont se précipiter. A la suite de ce "concert improvisé" une soucoupe volante va atterrir chez "Le Glaude". Etait-ce un signal! Il en sort un drôle de personnage jaune et dodu avec un langage très particulier. Après la stupéfaction et la méfiance les deux compères offrent une bonne louchée de soupe aux choux à leur visiteur venant de la planète "Oxo", qu'ils vont surnommer "La Denrée".

Celui-ci semble tellement apprécier ce breuvage qu'il fait quelques allers et retours vers "Les Gourdiflots" car sur "Oxo"cette soupe devient une vraie source de plaisir. En remerciement "La Denrée" promet au "Glaude" de multiplier au centuple sa pièce d'or tout en lui assurant de redonner vie à Francine avec vingt ans de moins. Il promet également que la durée de vie des deux hommes sera considérablement rallongée et se déroulera dans la paix et le bonheur.

Malgré les propositions et cadeaux de "La Denrée" les deux hommes, très liés entre eux dans ce petit "paradis" plein de souvenirs, continuent de rester dans leurs masures.

Un événement inattendu va toutefois être susceptible de bouleverser leur vie par la visite du maire. Celui-ci vient annoncer l'expulsion des deux hommes, la construction d'un '"parc d'attraction" étant prévue à cet endroit. Le ciel leur tombe sur la tête mais ils sont tenaces nos deux hommes et ils décident de résister, le maire également. La construction se fait.

C'est ainsi que les deux copains se retrouvent au milieu d'un grand parc dans un enclos comme des bêtes rares. Sous la risée des visiteurs qui leur envoient des tas de cacahuètes ils sont assis le regard perdu sur le seuil de leur deux petites maisons face à la cruauté des adultes et des enfants.

Devant cette situation insoutenable, "La Denrée" tel un "Zorro extra-terrestre" va mettre un plan en œuvre afin de les tirer de là tout en espérant que des champs de choux se feront jour sur sa planète où il fait si bon vivre.

Le réalisateur Jean Girault arrive presque au bout de sa carrière. Il décédera un an plus tard en 1982 durant le tournage "Le Gendarme et les Gendarmettes". Il s'attaque ici au célèbre roman de René Fallet paru en 1980 et je dois avouer que l'essai est plutôt réussi.

L'histoire aborde plusieurs sujets notamment les rapports des gens âgés et un peu marginalisés vivant chichement en dehors de la ville et considérés comme "différents" à cause de leur vie sociale très en retrait de celle des autres. Les problèmes de la nostalgie du passé ainsi que ses conséquences n'échappent pas à l'analyse sans oublier les problèmes de différence d'âge dans un couple, la destruction de la nature en raison des profits résultant de l'occupation des sols au mépris des habitants et de la nature. La cruauté ambiante de certains d'entre nous est fort bien décrite avec notamment l'une des scènes finales difficile et touchante. Quant à cette fable de l'extra-terrestre à l'allure un peu ridicule mais à l'esprit tellement sain elle fait réfléchir à la société que l'on rêverait de vivre si le monde n'était pas si cruel et vindicatif. En fait ce film est une comédie un peu acide sur le monde que nous vivons chaque jour à tel point que l'on peut avancer qu'il s'agit également d'une fable, le final du film renforcant cette impression.

Louis de Funès, "Le Glaude" déjà bien fatigué joue ici un rôle plus réaliste qu'à son habitude avec beaucoup de talent. Pour la première fois il laisse de temps à autre paraître l'émotion d'un personnage dont l'existence se dégrade au fil des événements fâcheux tout comme son inséparable ami Jean Carmet, "le Bombé", lui aussi désespéré par cet avenir insoutenable dont la vie tranquille se termine derrière des barbelés tous deux entourés d'une foule bruyante, hilare et moqueuse. Et puis il y a ce personnage interprété par Jacques Villeret, "La Denrée", cette créature complètement différente de tous paraissant ridicule, décalée et pour cause. Il représente un guide nous faisant découvrir sa planète où les soucis et la méchanceté ne sévissent jamais, cette planète où il est possible de vivre pour de très longues années une vraie "cure de jouvence". C'est pourquoi en analysant ce film de plus près j'ai révisé mon jugement premier pris trop à la hâte.

Malgré un sujet intéressant, cette œuvre eut un succès public important mais relativement moins bon que certains films avec Louis de Funès . "L'Avare", film précédent réalisé par l'acteur n'avait pas non plus recueilli l'audience escomptée bien qu'honorable. Je vous conseille donc de voir ou revoir cette comédie grinçante avec un œil attendri en oubliant le "Fufu" méchant et agressif car là ce n'est plus le personnage habituel. C'est un tournant tardif et le bonheur n'en est pas moins grand.

Box-office France: 3 093 319

Ma note: 7/10

Grard-Rocher
7
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le 21 déc. 2023

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