
Certains réalisateurs sont clairement maudits. Ainsi, dix ans après son éviction complète du prequel de L'Exorciste (un film entièrement retourné, du jamais vu), Paul Schrader subit encore les déboires d'un Hollywood désespérément abruti par la société de consommation. Privé du director's cut, le réalisateur-scénariste se voit également interdit de participer à la post-production et voit son dernier film remonté par la production. Le projet est pourtant entre de bonnes mains et peut devenir un nouveau tremplin pour Schrader, alors ignoré de Hollywood depuis trop longtemps, mais aussi pour Nicolas Cage, star du film qui s'octroie un rôle bien plus sobre et sérieux que d'ordinaire.
Alors qu'il continue de tourner dans des nanars désolants, son parti-pris depuis peu d'incarner des personnages moins guignolesques est louable et peut faire mouche. Ici, il incarne un vétéran de la CIA, cheveux gris et oreille charcutée, qui se voit évincé à cause de son entêtement envers un criminel qui reste insaisissable tandis qu'il commence à souffrir de dégénérescence fronto-temporale, une maladie lui faisant subir des pertes de mémoire. Un héros déchu qui va accomplir une dernière mission au nom de la justice, c'est du Schrader tout craché, d'autant plus que Nic Cage montre qu'il peut bien vieillir sur un écran en dépit de ses tics incessants. Même modifié sur la table de montage, le film n'est clairement pas parfait. Pas très original sur le papier, encore moins à l'écran, La Sentinelle n'est en soi qu'un thriller classique qui manque d'une certaine tension lors de son enquête, voire même d'un rythme concret qui nous tient en haleine.
Beaucoup de blablas, une infiltration qui manque de panache, un final pas vraiment impressionnant avec (enfin) quelques coups de feu. On ne peut pas dire que le film, doté d'un faible budget, ait de quoi rivaliser avec les grands thrillers mais ceci dit il reste tout de même attractif. Dommage en revanche que la photographie, apparemment plus sombre à l'origine, ait été numériquement retouchée en post-prod et que la musique ait été également modifiée, le film aurait peut-être gagné en atmosphère plus noire, dans la veine des films de Schrader. Peut-être qu'une version director's cut nous montrera les réelles intentions du metteur en scène, qui sait ?