A la ferveur des quatre saisons ...

Le film commence sur une fausse note, au clavecin (et non au piano, je fais des anachronismes), faite par Suzanne (exceptionnelle Pauline Etienne). Une fausse note qui dénote un faux trouble de l'intéressée. Dès lors les fausses notes vont s'enchaîner.

D'abord, celle de Suzanne qui ne peut se trouver l'appelée de Dieu mais aussi fausses notes de la famille, avide d'argent. Fausse note de la mère un jour dans sa vie qui dénote la vie entière de Suzanne.
Les plus grandes fausses notes restent alors celles perpétrées dans les couvents, où Suzanne croit n'avoir rien éprouvé de ses sens alors qu'elle connait sur son corps et son esprit bien plus qu'une vie entière n'aurait pu lui apporter dans la tranquillité de sa maison d'enfance. Elle est hostile partout sauf à la faveur du vent, de ces quatre saisons qu'elle aime toutes sans distinction...

Les fausses notes s’enchaînent incarnées par les figures faussement saintes telles les Mères Supérieures qui outrepassent leurs autorités respectives.
La plus grande fausse note venant de la voix d'une église qui peine à faire trouver sa voie à Suzanne. Perdue, humiliée, forcée. Elle se lance sur le chemin d'une vérité qui lui est alors refusée. D'une rébellion qui s'étouffe avant même de naître...

Ce sont les passions exacerbées dans le lieu clos du couvent qui sont données à voir, où seules quelques petites solidarités subsistent dans le climat étouffant de ce couvent rempli de passions contradictoires qui noient le message religieux dans les erreurs par trop humaines des femmes qui le composent...

Le film, quant à lui, se déroule sans fausses notes: les plans sont magnifiques, travaillés, auréolés d'une ferveur et d'un poids qui rend la caméra humble et observatrice dans cet univers castrateur où les hommes viennent finalement sauver Suzanne. Dans ce monde de femmes, elle ne trouve de repos qu'auprès d'eux... Sans "pécher" cependant, parce qu'elle a compris douloureusement que sa place était ailleurs. Si le film est cependant un peu long, il redonne tout son souffle romanesque à cette fresque teintée de cruauté qui donne à voir un monde aspiré par un labyrinthe de passions où même la ferveur ne sauve plus ...

Créée

le 21 mars 2013

Critique lue 2K fois

15 j'aime

12 commentaires

eloch

Écrit par

Critique lue 2K fois

15
12

D'autres avis sur La Religieuse

La Religieuse
Zarathoustra93
8

Suzanne Unchained : une figure de l'héroïsme et de l'authenticité.

Ironie du sort ou coup de dé du hasard : Guillaume Nicloux est né précisément l’année où sortait l’adaptation de La religieuse Jacques Rivette, en 1966. On m’avait dit que cette dernière était...

le 20 mars 2013

13 j'aime

La Religieuse
Krokodebil
7

Miserere nobis

Le film s'ouvre sur un générique quasi complet, d'une sobriété désarmante. C'est rare. Fonctionnant comme un sas, ce générique est une introduction à l'austérité, à l'aridité du film. Adaptation du...

le 29 mars 2013

11 j'aime

3

La Religieuse
B-Lyndon
3

Nicloux ni vie

C'est pas vraiment nul, le problème c'est qu'il n'y a pas une once de cinéma là-dedans. Pas une image, pas un souffle. Rien. Que du scénario, que le cinéaste déroule à coups de plan en oubliant de...

le 25 mars 2014

8 j'aime

Du même critique

Juste la fin du monde
eloch
4

Le cinéma de Dolan est mort, vive le cinéma !

Qu'il est difficile de s'avouer déçue par un cinéaste qu'on admire beaucoup et dont l'oeuvre a su nous éblouir, nous toucher, nous transporter. Oui, je l'écris, ce dernier Dolan m'a profondément...

le 21 sept. 2016

116 j'aime

12

The Voices
eloch
7

"Sing a happy song"

Marjane Satrapi a été sélectionnée au festival d’Alpe d’Huez début 2015 (qui s’est déroulé du 14 au 18 janvier) pour son dernier film. Disons qu’au premier abord ça ne ressemble pas vraiment à la...

le 20 janv. 2015

91 j'aime

7

Chungking Express
eloch
10

" Hier, on se regardait à peine ... Aujourd'hui nos regards sont suspendus "

"Chungking express" est un film que j'ai trouvé absolument merveilleux je dois bien vous l'avouer, je suis sortie de la salle où j'ai eu la chance de le voir pleine d'une belle joie, de l'envie de le...

le 27 févr. 2013

90 j'aime

24