La rage dans tes dents

Jake Gyllenhaal, acteur que j'affectionne tout particulièrement après avoir vu Brokeback Mountain et surtout, Night call, était la principale raison pour laquelle je suis allé voir ce film. J'attendais donc d'Antoine Fuqua (le réalisateur) le bon sens et peut-être aussi le talent d'exploiter tant que faire se pouvait l'incroyable potentiel de son acteur principal en le confrontant à de vraies scènes dramatiques suscitant émotion et admiration devant sa performance. Malheureusement, cela coince quelque peu tant Fuqua ne sait visiblement pas exercer dans le domaine du drame avec finesse et ne semble utiliser la tragédie que pour faire avancer le déroulement d'une histoire sans même chercher à émouvoir son spectateur, ce qui est pourtant à mes yeux, le but de premier de tout drame (sans pousser au tire-larmes incessant, bien entendu). Ainsi, la mort de la femme de Gyllenhaal, évènement déclencheur de sa lente déchéance, est à mon sens, un relatif échec de mise en scène pour diverses raisons. Tout d'abord, le montage de cette séquence semble parfaitement s'assimiler à celui d'une scène d'action classique, il est rapide, nerveux et donc inapproprié au registre tragique qui nécessiterait alors un montage lent et pourrait s'appuyer sur des ralentis et autres choix esthétiques de bon goût illustrant le changement radical d'état d'esprit de ses protagonistes tout en transmettant cette si important émotion au spectateur. Ensuite, le personnage de Jake Gyllenhaal y est bien trop peu développé, il ne se cantonne qu'à demander ce qu'il se passe sans qu'un réel soin lui soit particulièrement apporté (aucune prise de risque au niveau de sa réaction ni de ses répliques, c'est du déjà vu cent fois et ça me fait étrangement penser à du Fast & Furious, ce qui n'est pas, vous en conviendrez, un gage de qualité optimale). De plus, il m'a semblé qu'une certaine incohérence se mêlait à cette séquence, bien que Billy et sa femme se trouvent dans une soirée mondaine visiblement bien encadrée, (agents de sécurité, personnel d'accueil, etc.) aucun médecin ni autre infirmier ne se trouvent dans l'immense bâtiment qui abrite cette soirée. Aussi, alors que Billy appelle désespérément à l'aide tout en parlant à sa femme pour la maintenir consciente durant un interminable moment, les convives ne lèvent pas le petit doigt et ne décident de s'activer réellement pour aider la femme de Billy que lorsque celle-ci s'est vraisemblablement vidée de son sang.

Pourtant, et heureusement, le film reste plaisant et ce, essentiellement grâce à la mise en scène virtuose de ses combats (leur chorégraphie est plutôt crédible tout en demeurant spectaculaire et brillamment orchestrée, les coups sont puissamment ressentis et une réelle tension est présente) mais aussi grâce à la plongée dans le monde de la boxe anglaise qu'il nous offre, il nous fait en effet profiter des nombreuses particularités de la vie d'un boxeur professionnel (notamment les séquences d'entraînement, prenantes et réellement excellentes soulignées par une bande sonore parfaitement appropriée) tout en évitant de sombrer dans un didactisme lassant et dénué de rythme. Le casting est tout à fait plaisant (mention spéciale à la fille de Billy, convaincante en enfant troublée et à Forest Whitaker en coach protecteur et appliqué) et le scénario demeure, bien que prévisible et quelquefois décevant (la plongée en enfer de Billy semble parfois expédiée en attente du combat contre son rival tenant du titre) lisible et globalement satisfaisant. Fuqua se rattrape également du peu de drama réussi qu'il insuffle à son film en développant brillamment la relation qu'entretient Billy avec sa fille, cette dernière est ainsi sujette à de nombreux rebondissements évitant de fait une banalité et une monotonie certaine.

Ainsi, bien que Southpaw soit pour moi une petite déception au vu des qualités que j'espérais (naïvement) de lui, il n'en demeure pas moins satisfaisant avant tout grâce à ses combats.