Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, chères lectrices et chers lecteurs, soyez les bienvenus au Madison Square Garden pour aborder l’histoire de Billy Hope, alors en plein combat pour conserver sa couronne mondiale des champions du monde de boxe, catégorie mi-lourds. En 1980, Robert De Niro avait eu son "Raging Bull", film à travers lequel une ascension et le déclin d’une vie deviennent véritablement une épopée. Hilary Swank aussi a eu droit à son "Raging Bull", avec "Million dollar baby" en 2004. Entre les deux, on ne peut évidemment pas oublier Sylvester Stallone avec "Rocky". Même Will Smith l’a eu également avec "Ali" en 2002, ou encore James Marshall avec "Gladiateurs" en 1992, quoique ce dernier s’inscrit dans un registre légèrement différent.
Cette fois, c’est Jake Gyllenhaal qui s’y colle. Vous qui n’avez pas encore vu "La rage au ventre", vous me demanderez comment un freluquet comme lui peut entrer dans la peau d’un boxeur, champion du monde de surcroît. Eh bien il a suffi de quelques cours de boxe et surtout de prise en masse musculaire, rendue parfois impressionnante par la caméra d’Antoine Fuqua. Cette fois, l’ascension d’une vie a été mise de côté, puisque nous retrouvons notre héros au faîte de la gloire. Le scénariste et le réalisateur ont eu la bonne idée de nous épargner cette partie-là, le film durant déjà deux bonnes heures. Nous entrons donc dans le temple de la boxe internationale.
Ce qui frappe d’entrée (sans jeu de mot aucun), c’est une bande son un peu brouillonne, avec des dialogues rendus quasi inaudibles, d’abord en raison de la musique, puis à cause du brouhaha de la foule. Mais (parce qu’il y a un mais) ce n’est pas vraiment gênant car je pense que le réalisateur a voulu nous faire entrer dans la bulle du boxeur en pleine concentration d’une part, puis de nous faire rendre compte de la relative confusion générée par le combat d'autre part. Ce qui me fait dire qu’il y a eu un réel désir de crédibilité, comme il a pu le démontrer en refusant tout apport d’éclairage supplémentaire sur le ring.
Nous ne pouvons qu’être bluffés par Jake Gyllenhaal, mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises car non content d’une prestation magistrale tout au long du film, il nous offre la cerise sur le gâteau dès la 30ème minute, sur la scène la plus intense émotionnellement parlant. Une scène effroyable. Insupportable. A vous faire frissonner le corps entier, et à vous faire tourner les sens. Une scène devant laquelle bon nombre de spectateurs et spectatrices n’ont pu s’empêcher de mettre la main devant la bouche, comme pour s’empêcher de crier ; une scène où bon nombre d’entre nous a dû poser ses mains autour de la tête, voire sur les oreilles pour ne plus entendre les… euuuuh je m’emporte, alors je n’en dirai pas plus. Ce que je peux rajouter, c’est que c’est bien filmé, et remarquablement accompagné de la musique du regretté James Horner, célèbre compositeur reconnu multi-nominé aux Oscars et détenteur de 3 statuettes à l’occasion de "Titanic" (1998).
Comme "La rage au ventre" se passe dans le milieu très fermé de la boxe, on pourrait croire que ce film vise un public majoritairement masculin. Que nenni ! Car la trame va bien au-delà de la boxe. La preuve est que Clint Eastwood l’avait parfaitement compris, puisqu’il nous a servi un splendide "Million dollar baby", en nous parlant du fait que la vie en elle-même est un combat de tous les instants. C’est ce que le réalisateur Antoine Fuqua et le scénariste Kurt Sutter nous proposent. Une vraie leçon de vie nous est donnée ici, avec cette nécessité de se remettre en question, bref : un vrai cours d’humilité. Car outre les plans qui nous montre des corps physiquement esquintés, dégoulinant de bave et de sang, c’est surtout le gros plan sur l’être intérieur qui est majoritaire, et qui fera l’objet d’une reconstruction, au prix d’immenses efforts (dont la violence envers soi-même dépasse celle subie sur le ring) pour s’ouvrir le chemin de la rédemption, et se donner le droit d’exister. Pour cela, on ne peut y arriver seul. Aussi l’arrivée de quelqu’un de désintéressé (Forest Whitaker, une fois de plus parfait) vient à point nommé, ce qui amènera une scène (dont je m'étonne de ne voir personne, ou presque, en parler) aux propos d’une profondeur incroyable vers la 70ème minute, véritable tournant de l’histoire. Par cette scène, on comprend que ce personnage cabossé au passé énigmatique va devenir incontournable pour la suite des événements.
Autre personnage d’une importance capitale, je dirai même de la plus haute importance car il constitue le fil rouge de l'intrigue, la petite Leila, interprétée par Oona Laurence, alors qu’elle a un rôle pas si facile que ça


(notamment la scène où elle distribue des baffes à son propre père)


, et il est très probable qu’on retrouve cette jeune comédienne très prochainement au vu de son talent.
Le monde de la boxe est bien retranscrit : la gloire, l’argent, les provocations, et les innombrables cafards qui profitent de la renommée de leurs poulains, un monde à la fois glorieux et miteux, pour résumer : glauque. Servi par un casting irréprochable, "La rage au ventre" est un uppercut qu’on prend en plein menton, et qui vous laissera K.O. debout, un peu à la manière du combat final, dont je regrette qu’il se termine sur du ralenti, là où j’aurais préféré de la vitesse réelle. Vous ne ressortirez donc pas indifférent de ce film particulièrement immersif, et dont les 2 heures paraissent presque bien trop courtes.

Stephenballade
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le 30 juin 2020

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