Drame social dont les frères Dardenne ont fait leur inaltérable marque de fabrique, La Promesse est le premier des nombreux films tournés à Seraing, en Belgique, au milieu de cet ancien bassin houiller devenu une zone sinistrée. Roger (incarné par Olivier Gourmet dont c'est le premier d'une longue série de films avec ce même couple de réalisateurs), personnage peu scrupuleux trouvera la solution à cette crise économique sans s'inquiéter des conséquences morales de ses actes. Il entraînera avec lui son fils, Igor (Jérémie Renier, idem qu'Olivier Gourmet), dans ses magouilles jusqu'à ce qu'un événement viennent brusquer leur rapport.


La bague que Roger offre à son fils, presque identique à la sienne, a une valeur hautement symbolique. Elle scelle leur union indivisible dans le crime et la malhonnêteté, dans un accord tacite et, aux yeux du père, irrévocable. Or, un événement viendra changer la donne et consumer leur lente séparation qui sera célébrée dans le dernier plan dans lequel on les retrouve, et où Igor, jusqu'alors dominé par l'autorité inébranlable du père, emprisonné par son despotisme et ses problèmes d'adultes, enchaîne littéralement son père, retournant ainsi les rapports de force et grâce à cela, pouvant enfin jouir de sa liberté. Derrière ce duo (structure sociale de base omniprésente dans le cinéma de cette paire de cinéaste), se nouent et se dénouent d'autres relations, la plus forte devenant l'improbable couple Igor/Assita, suite au drame dont a été victime son mari et à la promesse que ce dernier a obtenu d'Igor.


Caméra sur l'épaule, sujet volontairement défocalisé, esthétique du mouvement, personnages taciturnes mais pouvoir significatif des accessoires et des costumes, structure sociale bancale, violence des rapports, transmission et filiation éprouvée comme problématique, question du mal, grande intensité dramatique épargnant néanmoins le spectateur de la gêne causée par le pathétique, tels sont les principaux ressorts de la mise en scène des Dardenne. Dire d'eux qu'ils font toujours le même film ne serait pas totalement faux, ceci étant bien plus qu'une impression. Mais ne pas réussir à voir qu'à chaque film, ils parviennent malgré tout à se renouveler serait la preuve d'une grande cécité du spectateur et du critique tant leur considérable talent ne s'épuise pas et nous mène à chaque fois vers de nouveaux microcosmes insoupçonnés où les émotions multiples foisonnent et nous conduisent parmi les miasmes morbides d'une humanité désenchantée avant de nous en sortir dans un dernier élan d'espoir.

Marlon_B
8
Écrit par

Créée

le 3 mars 2017

Critique lue 982 fois

9 j'aime

Marlon_B

Écrit par

Critique lue 982 fois

9

D'autres avis sur La Promesse

La Promesse
JKDZ29
7

Promettre pour espérer

Quelque part dans une ville industrielle, des immigrés clandestins viennent travailler de manière illégale pour un homme qui les exploite. Cet homme a un fils, Igor, qui vit avec lui et au milieu de...

le 9 août 2019

4 j'aime

La Promesse
lhomme-grenouille
1

Critique de La Promesse par lhomme-grenouille

Certains appellent ça du cinéma social, du cinéma naturaliste, j’ai même déjà entendu de « cinéma moderne » de la part d'une collègue qui enseigne l’audiovisuel à des adultes ... Moi j’appelle ça du...

le 7 mai 2018

3 j'aime

La Promesse
IIILazarusIII
7

L'adolescence.

Encore en pleine recherche de leur vérité artistique, les frères Dardenne donnent ici un film touchant et froid comme l'hiver belge (vous savez, poisseux avec un peu d'humidité et un chauffage pas au...

le 27 mars 2011

3 j'aime

Du même critique

Call Me by Your Name
Marlon_B
5

Statue grecque bipède

Reconnaissons d'abord le mérite de Luca Guadagnino qui réussit à créer une ambiance - ce qui n'est pas aussi aisé qu'il ne le paraît - faite de nonchalance estivale, de moiteur sensuelle des corps et...

le 17 janv. 2018

30 j'aime

1

Lady Bird
Marlon_B
5

Girly, cheesy mais indie

Comédie romantique de ciné indé, au ton décalé, assez girly, un peu cheesy, pour grands enfants plutôt que pour adultes, bien américaine, séduisante grâce à ses acteurs (Saoirse Ronan est très...

le 17 janv. 2018

26 j'aime

2

Vitalina Varela
Marlon_B
4

Expérimental

Pedro Costa soulève l'éternel débat artistique opposant les précurseurs de la forme pure, esthètes radicaux comme purent l'être à titre d'exemple Mallarmé en poésie, Mondrian en peinture, Schönberg...

le 25 mars 2020

11 j'aime

11