Le générique de The Chase, magnifiquement mis en image et orchestré par John Barry, de même que la traduction française de son titre, annoncent une œuvre au rythme effréné, de laquelle nous sortirions à bout de souffle. Rien de tel pourtant : Arthur Penn prend le soin de ralentir à l’extrême son récit pour mieux représenter ses personnages urbains comme des fantômes englués dans une hypocrisie qui transparaît derrière les masques. La ville mute, le temps d’un samedi soir, en une Babylone moderne : les femmes rient de leurs infidélités et passent leur temps à boire, les maris tentent de ménager épouse et concubines tout en cherchant un moyen d’assouvir une pulsion de mort par la souffrance de l’autre. La traque du fugitif se transforme ainsi en moyeu autour duquel gravite la communauté d’une small town américaine d’abord désolidarisée et qui trouvera dans la cruauté exercée à l’égard d’un tiers exclu l’occasion de recréer du lien – jusqu’à la semaine suivante, on le suppose.


L’idée, brillante au demeurant, ne réussit pourtant jamais à s’intégrer à une histoire purement illustrative, quoique relevée par quelques moments de grâce. Le long métrage d’Arthur Penn perd de sa puissance en voulant à tout prix plaquer du théorique sur une matière sensible : la caractérisation de ses personnages n’intervient que rarement par la mise en scène, prise en charge par d’interminables dialogues qui brise le rythme d’ensemble et jette sur le récit une impression d’artificialité dommageable. Ainsi, les séquences d’hystérie collective semblent exagérées en ce qu’elles n’ont pas été assez préparées en amont. Les acteurs, tous excellents, aident néanmoins à entrer dans l’histoire, mention spéciale à Marlon Brando en shérif taiseux et laconique qui ne souhaite qu’une chose : faire ses bagages et quitter la ville.

Créée

le 1 nov. 2021

Critique lue 35 fois

5 j'aime

1 commentaire

Critique lue 35 fois

5
1

D'autres avis sur La Poursuite impitoyable

La Poursuite impitoyable
guyness
8

Le (Arthur) Penn ne craint pas la critique sociale décapante

Mais, contrairement à ses homonymes franchouillards (et-tirés-par les-cheveux-de-ma-part-et-de-manière-un-poil-grossière), lui est un grand humaniste, et on sort d'un film d'Arthur (donc) regonflé...

le 31 juil. 2011

77 j'aime

11

La Poursuite impitoyable
DjeeVanCleef
9

Le jaguar avec la voix de canard.

On s'essouffle à pointer les qualités évidentes des films, on s'obstine à sortir les scalpels, souvent en vain. Comment capturer l'essence de ce qui bouleverse vraiment ? Comment emprisonner un...

le 22 oct. 2014

63 j'aime

7

La Poursuite impitoyable
Docteur_Jivago
10

Le Déclin de l'Empire Américain

La Poursuite Impitoyable se révèle tout simplement magistral de bout en bout, d'une grande puissance et dimension fascinante et indescriptible à l'image de cette longue fin qui prend aux tripes, ce...

le 4 avr. 2014

37 j'aime

4

Du même critique

Sex Education
Fêtons_le_cinéma
3

L'Ecole Netflix

Il est une scène dans le sixième épisode où Maeve retrouve le pull de son ami Otis et le respire tendrement ; nous, spectateurs, savons qu’il s’agit du pull d’Otis prêté quelques minutes plus tôt ;...

le 19 janv. 2019

86 j'aime

17

Ça - Chapitre 2
Fêtons_le_cinéma
5

Résoudre la peur (ô malheur !)

Ça : Chapitre 2 se heurte à trois écueils qui l’empêchent d’atteindre la puissance traumatique espérée. Le premier dommage réside dans le refus de voir ses protagonistes principaux grandir, au point...

le 11 sept. 2019

77 j'aime

14