La Pendaison
7.2
La Pendaison

Film de Nagisa Ōshima (1968)

Avertissement : si la critique ne spoil pas l'intrigue en elle même, elle révèle certains choix de tons ou de mise en scène qui arrive plus tard dans le film même si je n'y reviens pas de manière détaillé.


J'étais loin de m'imaginer sur quoi j'allais tomber en louant le Dvd de La Pendaison, un peu par hasard, à la médiathèque et de l'expérience que cela allait être.


Tout commence par un simple postulat, lors d'une exécution, le condamné à mort, refuse, la corde au cou, de mourir. Sous ce début complètement absurde, rendu encore plus surprenant par la manière scientifique et didactique avec laquelle la pendaison et son fonctionnement sont présentés au préalable, le film embrase donc d'abord la comédie absurde. Mais au fil du récit, il se déploie, explosant la narration et son fil rouge pour devenir un film poétique et symbolique tout en allégorie, délaissant totalement la narration classique avec laquelle il avait débuté. Mais si la forme évolue, le fond lui aussi se met au diapason avec une force impressionnante.


Si le film se présente en premier lieu comme une sorte de réquisitoire contre la peine de mort, ce qu'il sera jusqu'au bout, il va néanmoins exploiter ce réquisitoire pour en ressortir d'autres vastes thèmes autant philosophiquement que politiquement/socialement.


Politiquement, en parlant de l'état dans lequel le Japon se trouve à l'époque, de son impérialisme sur la Corée, de la pauvreté de ces immigrants coréens au Japon et de leurs conditions de vie. Mais également de la lutte que partage les religions dans le pays, même si cela est seulement évoqué discrètement.


Philosophiquement, en s'interrogeant sur l'acte de tuer, du fait de comprendre ses actes, de questionner sur la responsabilité que l'on a sur chacun de nos actes, sur nos choix, et celle qu'a la société en choisissant finalement notre condition de vie. Mais aussi sur l’identité, sur ce qui nous défini en tant qu'être humain unique.


Et enfin, philosophiquement-politique, en enquêtant sur l'existence de l'état, sur ce qui le compose, sur quoi il influx et surtout sur qui est l'état ? Est-ce les militaires exécutant leur travail, les salariés de l'administration, les juges, les politiques ?


Toutes ces questions s'entrechoquent et sont parfois traité frontalement avec de grands dialogues ou avec un humour complètement absurde mais la plupart du temps Oshima préfèrent les aborder avec poésie et symbolisme, tout en grâce et finesse, en imposant une ambiance particulière et atmosphérique, si loin et pourtant si étonnement cohérente avec le début du film.


Si cette critique est plus rationnelle que poétique, le film et mon ressenti ne l'est pas. La Pendaison est un moment de cinéma, suspendu pendant deux heures, envoutant et désarçonnant, jouant avec les genres et la philosophie pour nous livrer un résultat d'une beauté et d'une singularité incroyable.

MatheVert
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le 18 oct. 2019

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MatheVert

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