« Les autres les remplacent et c’est sans fin »

Nous sommes en 1915, sur la base française d’un escadron de chasse britannique. Des avions décollent à l’aube et des pilotes manquent le soir au rapport. Des remplaçants comblent les pertes, toujours plus jeunes et inexpérimentés. Ils ne durent pas. Le capitaine (Errol Flynn) s’insurge, qu’on lui donne quelques jours pour les aguerrir. Le commandant (Basil Rathbone) refuse, pas le temps. Le premier traite le second de boucher et se réfugie dans la picole avec son pote David Niven. Les trois officiers ne sont guère plus âgés que leurs subalternes, la guerre vieillit vite les rescapés.


Edmund Goulding s’intéresse tellement peu aux combats, que leurs images sont tirées de la version précédente, celle de Howard Hawks (1930). Les petits Nieuport 28 sont anachroniques et ne portaient pas ces toutes petites bombes qui font ces si grosses explosions, peu importe. Sa caméra s’attarde sur ces trois excellents premiers rôles. Le commandant est interdit de vol, c’est la règle. Il y a peu, il volait, il risquait sa vie, désormais il envoie ses hommes à la mort. Il a changé de camp.


Ici, des sous-officiers âgés et des mécanos aux mains sales servent des gentlemen. Ces derniers meurent tout aussi vite que dans la biffe, mais plus élégamment. On brule vif, mais en tenue de sortie et sur un dernier salut. On dort au sec et on évite la boue et les poux, ce n’est pas rien. On enchaine les beuveries au mess, avant et après les missions. Errol Flynn et David Niven dorment peu, chantent et boivent. On boit à la santé des morts, on boit pour éviter de penser au prochain nom effacé de la liste des effectifs. Un pilote allemand est convié à la fête. Après un temps d’hésitation, le hobereau teuton n’est pas le dernier à chanter et à boire.


Le commandant est promu. Il cède sa place à Flynn, à lui d’envoyer ses potes à la mort. La guerre continue. S’il survit, Niven endossera, à son tour, le rôle de boucher. Ici, on meurt pour rien... Et, si la paix revenait, nul doute que l’on relancerait les hostilités rapidement... Pourquoi ?


« Man is a savage animal who, periodically, to relieve his nervous tension try to destroy himself »

Step de Boisse

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