"Certains films sont des tranches de vie, les miens sont des tranches de gâteau."

Servi par une mise en scène parfaite et un excellent casting, North by Northwest est le plus parfait mélange d'aventure, de suspense, d'humour et d'amour. La mise en scène d'Hitchcock et son savoir-faire atteignent des sommets, autant comme "artisan" qui ne laisse aucun détail au hasard, que comme penseur du cinéma : derrière la succession de MacGuffins se cache un portrait d'homme du XXème siècle, trop pressé, un "Zéro" sans identité écrasé par sa mère. Sans attache et transparent, il va devenir autre, endosser la peau d'un personnage dont il ne voulait pas, Kaplan.

Le film est bien entendu la somme des films faux-coupables, disséminés par Hitchcock tout au long de sa carrière : des 39 marches, en passant par Jeune et innocent et La 5ème colonne, jusqu’à sa version ascétique Le Faux coupable.

Mais North By Northwest forme surtout un diptyque avec Vertigo, sorti un an auparavant en 1958. Avec ces deux films, Hitchcock livre ses deux plus grands chefs d’œuvres hollywoodiens, d’une perfection inégalée, avant d’ouvrir une nouvelle période plus moderne et violente dans les années 60 à partir de Psychose. Le cinéaste offre un dernier tour de piste dans son univers à ses deux acteurs fétiches Cary Grant et James Stewart. Il les place tous les deux face à une multitude d'héroïnes hitchcockiennes réunies en une seule femme. Une nouvelle actrice, uniquement convoquée pour le film en question (Kim Novak, Eva Marie Saint) devient blonde hitchcockienne protéiforme. Une même conscience de sa propre œuvre, un même goût pour la mise en abyme savante, habite les deux œuvres. On y trouve une femme-actrice, forcée d’interpréter plusieurs rôles pour servir un ou plusieurs hommes tout-puissants. A ces figures d’hommes puissants et machiavéliques (Elster dans Vertigo, Van Damme dans North by Northwest) s’oppose une figure d’homme-enfant manipulé de bout en bout. Un homme malheureux en amour, que les symboles des deux films présentent comme impuissant (le petit rasoir féminin face au gros rasoir du grand monsieur...).

Seulement, la découverte de la véritable identité d’Eve Kendall a lieue pour Roger Thornhill et pour le spectateur au même moment dans North By Northwest, là où celle de Judy/Madeleine restait cachée jusqu’au bout pour Scottie Ferguson dans Vertigo. L’aventure vécue par Thornhill fait donc office de thérapie positive, et le film se termine par le héros hissant sa femme du gouffre, là où Vertigo le voit la perdre encore une fois... Forcé à jouer le rôle de Kaplan pour sa survie et celle d’Eve, Thornhill fini par devenir cet espion courageux et patriote, un homme, un « vrai » ! Et le film de se terminer par un symbole phallique bien connu… Une même quête uni donc les personnages de Vertigo et North by Northwest : celle de vaincre son complexe d’Œdipe, son impuissance face aux femmes. Mais là où Vertigo s’avère être une tragédie, North by Northwest est définitivement une comédie, dans laquelle tout fini par être résolu pour le mieux.

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le 6 août 2014

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BlueKey

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