Le film décrit comment l’industriel allemand, Oskar Schindler (Liam Neeson), réussit pendant la seconde guerre mondiale, à sauver 1100 juifs, promis à la mort dans le camp de concentration de Plaszow, sans occulter les travers et ambiguïté de l'espion de l’Abwehr et membre du parti nazi, qu'il était …

En 1982, l'écrivain Thomas Keneally publie, La Liste de Schindler. Le président de MCA, Sid Sheinberg, envoya à Steven Spielberg une critique du livre parue dans le New York Times. Surpris par l'histoire de Schindler, le réalisateur se demandait en plaisantant si c'était la vérité. Spielberg fut attiré par le caractère paradoxal de l'industriel allemand et fut suffisamment intéressé pour demander au studio Universal d'en acquérir les droits. Mais, ne se sentant pas encore prêt à réaliser un film sur la Shoah, Spielberg en proposa la réalisation à Roman Polanski, qui refusa, trouvant l'histoire trop proche de la sienne, une partie de sa famille ayant été exterminé dans les camps de la mort d'Auschwitz et lui-même ayant vécu dans le ghetto de Cracovie. La réalisation fut ensuite proposée à Martin Scorsese, qui refusa aussi, car il pensait que seul un réalisateur juif en était capable. Finalement, Spielberg décida de réaliser le film lui-même, après avoir entendu parler du génocide en Bosnie et des négationnistes de l'Holocauste. Avec la montée du néo-nazisme, après la chute du mur de Berlin, il craignait que l'opinion puisse accepter trop d'intolérance, comme dans les années 30’s. De plus, le réalisateur se sentait impliqué en raison de ses origines juives. Sid Sheinberg donna le feu vert à Spielberg à condition qu'il tourne d'abord Jurassic Park. Spielberg a dit plus tard à propos de Sheinberg : « Il savait qu'une fois que j'aurais tourné La Liste de Schindler, je n'aurais pas été capable de faire Jurassic Park. » Alors qu’il est toujours en pleine post-production de Jurassic Park, qu’il devait réaliser par contrat, Steven Spielberg est déjà concentré sur le plus grand projet cinématographique de sa vie. Une œuvre pour laquelle il n’a pas voulu toucher un centime, pour lui, ce salaire aurait été l'« argent du sang. » Le scénario est écrit par le scénariste Steven Zaillian. C’est quand Scorsese était attaché au projet, que Zaillan fut engagé pour écrire le script du film. De retour dans le projet, Spielberg trouva que le l'ébauche du script de 115 pages de Zaillian était trop court, et lui demanda de l'étendre à 195 pages. Spielberg voulait mettre l'accent sur les Juifs dans l'Histoire, et décida de prolonger la séquence de la liquidation du ghetto, dont il « était fermement convaincu que la séquence devait être presque impossible à regarder.» Il voulait également que l’évolution de Schindler soit progressive et ambiguë.

Warren Beatty participe à une lecture du scénario, mais Spielberg craignit qu'il n'arrive pas à dissimuler son accent et que son statut de STAR n'occulte trop le film. Mel Gibson, Kevin Costner, mais aussi Bruno Ganz et Stellan Skarsgård exprimèrent leurs souhaits de jouer le rôle de Schindler, mais Spielberg préféra engager le relativement inconnu Liam Neeson, qui de fait n'allait pas effacer le personnage. Neeson ressentait le personnage de Schindler comme un bon-vivant amusant les Nazis, qui le considéraient un peu comme un bouffon. « Ils ne le prennent pas assez au sérieux et il s'en sert pour arriver à ses fins ». Pour l'aider à préparer le rôle, Spielberg fourni à l'acteur des enregistrements audio de Schindler pour l'aider à s'exercer à reproduire la bonne intonation, l’accent et le phrasé de ce dernier. Le rôle du tortionnaire nazi, Amon Göth, fut confié à l'acteur britannique Ralph Fiennes, après que Spielberg l'ai vu dans Les Hauts de Hurlevent, il lui avait trouvé une expression de « sadisme sexuel » dans le regard, qu’il trouvait parfait pour le rôle. Fiennes ressemblait tellement à Göth en costumes que Mila Pfefferberg, l'une des survivantes des événements, en a tremblé de peur lorsqu'elle l'a rencontré pour la première fois sur le tournage. Pour incarner le personnage, Fiennes prend treize kilos, rien qu'en buvant de la Guinness, afin d'arrondir sa silhouette. Sur le tournage du film, Ben Kingsley, l'interprète d'Itzhak Stern, comptable de Schindler, garda dans une poche de son manteau une photo d'Anne Frank, dont le journal intime a été publié après la Shoah. Regarder la photo lui donnait la force nécessaire et le ton juste pour interpréter certaines scènes très éprouvantes du film. Le film a été tourné entre mars et mai 1993 dans le quartier de Kazimierz à Cracovie. Steven Spielberg avait obtenu la permission de tourner dans le camp d'Auschwitz, mais il refusa par égard et respect envers les victimes. Les scènes du camp de la mort ont été tournées à l'extérieur des portes, sur un plateau construit à l'identique. Le tournage, avec celui des Dents de la Mer, fut l'un des plus éprouvants dans la carrière de Spielberg : « Même les bonnes journées étaient tristes. Jamais on n'a osé rire ou raconter une blague. J’avais du mal à dire « action » parce que « aktion » est le terme allemand pour parler de la déportation vers les ghettos juifs... Réaliser ce film m’a changé à jamais. » Le tournage s'avère particulièrement éprouvant pour le réalisateur puisqu’il doit diriger, en parallèle, les effets spéciaux de Jurassic Park, dont le sujet est radicalement différent. Robin Williams, grand ami de Steven Spielberg, sentant que le moral du tournage était au plus bas, appelait chaque jour Spielberg sur le tournage en lui demandant de mettre le téléphone sur haut parleur et racontait des blagues pendant dix minutes, afin de remonter le moral de l'équipe du film.

Quand il réalisa le travail titanesque effectué par Spielberg, en à peine deux ans, pour préparer, tourner, monter et sortir son film. Le réalisateur américain Stanley Kubrick renonça à faire son propre film sur la Shoah « Aryan Paper », pensant qu'il était inutile « d'enfoncer des portes ouvertes » et qu’il ne pourrait pas faire mieux. Dans le même temps, il était toujours au stade de développement et de documentation pour son propre projet. Le film fut un grand succès, il rapporta 321 millions de dollars aux États-Unis. Il remporta également 7 Oscars, dont ceux du meilleur film, du meilleur réalisateur et du meilleur scénario adapté à la cérémonie des Oscars 1994.

La Liste de Schindler est un chef-d’œuvre authentique et bouleversant. Un film qui étonne toujours par sa force évocatrice et par sa sobriété, ici pas de traitement lourd ni scolaire. Juste une évocation de faits historiques, tragiques et dramatiques d’une des périodes les plus sombres de l’Histoire de l’humanité. Spielberg décide de garder une approche sobre et réaliste dans sa mise en scène, afin rester au plus près des faits historiques. Il délaisse tout maniérisme et exercice de style dans sa réalisation pour signer une œuvre âpre et douloureusement réaliste, l’ensemble uniquement sublimé par la photographie en noir et blanc de Janusz Kaminski. Maîtrisant l’art de la suggestion comme nul autre, capable d’évoquer beaucoup en un seul plan, Spielberg ne se dérobera jamais sous le poids de l’ampleur de la tâche et de son sujet difficile, n’hésitant jamais à nous montrer la folie et l’horreur des événements qu’il décrit. Il n’hésite pas non plus à nous montrer les aspects les moins reluisants de la personnalité d’Oskar Schindler. Steven Spielberg et son scénariste Steven Zaillan décrivent un homme opportuniste, charmeur et égoïste, businessman avant tout, que la guerre métamorphosera pour en faire ressortir le meilleur de l’humanité, enfouie au plus profond de son être. Liam Neeson en impose par sa présence et son charisme, dans ce qui est indéniablement le rôle de sa vie, soutenu dans sa tâche par le génial Ben Kingsley, tout en retenue et plein d’émotion. Sans oublier, la prestation monumentale et monstrueuse de Ralph Fiennes, plein de charisme animal dans le rôle d’Amon Göth, abjecte et détestable, mais d'une justesse extraordinaire et inoubliable. D’une émotion à fleur de peau et porté par une musique discrète et pudique de la part de John Williams, La Liste de Schindler est une œuvre aussi poignante qu’importante, de par son devoir de mémoire, d’une infinie délicatesse et d’une humanité aussi éblouissante que tragique. Un film qui vous laissera la gorge nouée, mais plein d’espoir malgré l’indicible horreur. Une œuvre incontournable !

Jonathan46
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le 2 mai 2023

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