
Plus on se rapproche de la réalité, plus cette dernière semble atemporel. C'est ainsi que La liste de Schindler semble, presque vingt ans après, toujours aussi crédible tout autant dans sa thématique puisque le cas des Juifs a marqué des générations et des générations mais parce que l'on retrouve la constance bestiale d'une conscience malmenée ou malmenant l'homme. Le film montrait déjà à l'époque l'intérêt grandissant du cinéaste pour la thématique de la « guerre » (déjà avant, avec l'Empire du soleil, mais surtout après avec Il faut sauver le soldat Ryan, The Pacific ou encore Band of Brothers).
Quoi qu'on puisse dire sur Steven Spielberg, il faut avouer qu'il aime le risque et se lance dans des genres souvent très opposés (même si on retrouve des univers communs, comme celui mentionné plus haut mais aussi l'univers fantastique, les extra-terrestres, etc.). Ici, il s'inspire à la fois d'un personnage réel, le fameux Oscar Schindler qui sauva une flopée de Juifs sur la fin de la seconde guerre mondiale, mais aussi du livre de l'Australien Thomas Keneally, qui relata sur un plan plus romancé le parcours de ce Nazi à contre-courant.
Spielberg a choisi d'opter pour du visuel monochrome. On y voit ici des utilités multiples. D'une part, on se dit qu'un film qui se déroule dans les années cinquante voit en ce choix une cohérence tout à fait indubitable. Ensuite, il s'agit d'une manière d'accentuer l'aspect incisif et radical de la thématique. On peut également mettre en avant cette fameuse fillette juive au manteau rouge : seul personnage que l'on voit en couleur dans le film. Le choix esthétique permet de la voir ressortir. La présence de la couleur a permis de nombreuses théories. La plus simple est la prise de conscience de l'industriel lorsqu'il s'aperçoit que la survie de l'être humain vaut bien plus qu'un profit éphémère. Sa perception quant à sa position de Nazi prend un tournant radical dans son esprit. Cette obsession qui le suivra par la suite lui imposera une douleur sans limite lorsqu'il découvrira plus tard la veste rougeâtre sur un tas de cadavres. Cette image forte montre l'impact tardif de sa décision. D'autres teintes colorées viennent s'ajouter au tableau. Ainsi une scène de prière juive fait apparaître une flamme colorée montrant, selon une autre hypothèse, l'acceptation générale des Juifs dans l'action de Schindler. Avec tous ses symboles, La liste de Schindler se clôture sur une image remarquable de la vraie tombe de l'ancien Nazi et de l'acteur Liam Neeson. Le parallèle avec le documentaire se fait là encore plus fortement.
Ainsi Oscar Schindler (Liam Neeson) « profite » de sa richesse pour limiter les dégâts de la folie humaine. À son opposé, Ralph Fiennes – dans le rôle du SS Amon Göth - n'aura sans doute jamais été aussi détestable. Avec son regard clair mais perçant, l'acteur arrive à nous faire ressentir sa soif de violence, son impulsivité et sa folie la plus totale.
John William crée, pour ce film, l'un des thèmes (alors que le bonhomme a déjà créé les thèmes les plus célèbres du cinéma) les plus marquants. Conçu à la base pour un violon solo – bien que l'on entende le même thème sur un groupement de cordes puis sur un piano sur la fin -, l'on ressent du morceau une solitude extravagante et l'image d'un homme qui tente, contre vents et marées, de faire l'impossible. On peut noter d'ailleurs l'absence de musique pendant un long moment au début du film, donnant au réalisme des teintes de documentaire. Les dernières notes de piano résonnent un peu comme un hommage au personnage.
Comme beaucoup de films réussis sur les deux guerres mondiales, La liste de Schindler est une leçon et un rappel de l'horreur dont est capable l'homme. Son cœur est capable du pire comme du meilleur à des opposés malheureusement bien extrêmes. Malgré son statut de biographie, les trois heures proposées par Spielberg sont peut-être un peu longues et certaines scènes auraient pu largement être raccourcies voir enlevées.