La La Land, c'est une sucrerie aigre-douce.
C'est tout en douceur que le film commence. Nous sommes à Los Angeles, nous sommes dans une comédie musicale, nous sommes dans un film-hommage, et c'est juste merveilleux. C'est coloré, c'est rythmé, c'est joyeux. On voit déjà tout le parcours tracé devant nous, une histoire d'amour qui commence par un doigt d'honneur, deux acteurs magnifiques qui forment un des plus beaux couples que l'on ait vus ces dernières années, et des morceaux musicaux réjouissants. Comme le dit la première chanson, c'est une journée ensoleillée et c'est très bien comme ça.
Clairement, Damien Chazelle ne cache pas le côté « film-référence » de La La Land. Les clins d'oeil se multiplient, mais le cinéaste sait parfaitement conserver la fraîcheur et la légèreté des comédies musicales des années 50. On se croirait presque sous la caméra de Minnelli ou Stanley Donen. En plus, le réalisateur confirme sa capacité à faire coïncider images et musique, par le biais d'une science consommée du montage et des effets de caméra. On peut trouver tout cela vain, mais l'objectif est pourtant atteint : la première moitié du film est joyeuse et émouvante.
En plus, le film se permet le luxe de faire l'apologie du jazz. Le discours de Sebastian, qui essaie de faire comprendre à Mia la différence entre le vrai jazz et la musique d'ascenseur, est le propos d'un passionné, et cette passion se voit à chaque plan. Certes, le jazz se doit d'être une révolution permanente et le film a tendance à parfois trop regarder en arrière, mais l'énergie du genre musical se transmet au film. Il contamine même le scénario : le projet de film pour lequel Mia passe un casting, un film sans scénario où tout le monde doit improviser, est terriblement jazzy !
Chazelle sait parfaitement bien rendre une ambiance. Depuis les studios de tournage jusqu'aux clubs de jazz, il redessine la carte de Los Angeles, ville qui devient une sorte de capitale artistique.


Mais là où le film devient très bon, c'est qu'il ne se contente pas de cette vision rose bonbon. La seconde moitié du film distille lentement mais sûrement une impression plus amère. Certes, Los Angeles est la ville des rêves qui se réalisent, mais à quel prix ? Le film quitte alors la féerie du conte musical pour atterrir de plein pied dans la réalité, celle des difficultés économiques, des concessions honteuses, des promesses non tenues, des rêves piétinés. Et même si Mia chante un superbe éloge aux doux rêveurs qui vivent à part et enchantent le monde, on voit bien toutes les concessions, toutes les privations que cela demande. Loin d'être un de ces films formatés où tout réussit aux personnages qui réalisent leurs rêves, La La Land montre ce qui se passe derrière le décor des studios.
La grande force de Damien Chazelle, c'est non pas d'opposer ces deux parties, mais de les faire cohabiter. Rêves et concessions, promesses et compromissions, sourires et larmes, énergie et désillusions, le réalisateur parvient avec talent à mélanger les deux et à partager avec nous toute une palette d'émotions. Un très bon film qui sait cueillir ses spectateurs et ne pas les lâcher.

Créée

le 29 janv. 2017

Critique lue 987 fois

60 j'aime

6 commentaires

SanFelice

Écrit par

Critique lue 987 fois

60
6

D'autres avis sur La La Land

La La Land
blacktide
9

Le crépuscule des rêves

Comment pouvais-je me douter que le slogan « Plus de passion, plus d’émotions » de mon interminable attente allait esquisser mon jugement quant à l’inévitable fascination prédestinée à ce rêve de...

le 8 févr. 2017

162 j'aime

35

La La Land
Velvetman
7

One from the Heart

C’est comme un ogre qui dévaste tout sur son passage ou un rollercoaster qui aplatit la moindre parcelle de bitume : le dernier film de Damien Chazelle, et la hype qui l’entoure, sont connus de tous...

le 21 janv. 2017

160 j'aime

4

La La Land
Gothic
8

Il faut sauver le sol de Ryan

Damien Chazelle ne s'est pas doré la pilule. Car la véritable performance avec son La La Land, c'est d'avoir donné le la en mettant facilement tout le monde au sol et au diapason, pour un résultat...

le 5 févr. 2017

123 j'aime

19

Du même critique

Starship Troopers
SanFelice
7

La mère de toutes les guerres

Quand on voit ce film de nos jours, après le 11 septembre et après les mensonges justifiant l'intervention en Irak, on se dit que Verhoeven a très bien cerné l'idéologie américaine. L'histoire n'a...

le 8 nov. 2012

256 j'aime

50

Gravity
SanFelice
5

L'ultime front tiède

Au moment de noter Gravity, me voilà bien embêté. Il y a dans ce film de fort bons aspects, mais aussi de forts mauvais. Pour faire simple, autant le début est très beau, autant la fin est ridicule...

le 2 janv. 2014

218 j'aime

20

Chernobyl
SanFelice
9

What is the cost of lies ?

Voilà une série HBO qui est sans doute un des événements de l’année, avec son ambiance apocalyptique, ses flammes, ses milliers de morts, ses enjeux politiques, etc. Mais ici, pas de dragons ni de...

le 4 juin 2019

214 j'aime

32