"C'est l'histoire d'un homme qui tombe d'un immeuble de cinquante étages. Le mec au fur et à mesure de sa chute, il se répète sans cesse pour se rassurer: jusqu'ici tout va bien, jusqu'ici tout va bien, jusqu'ici tout va bien... Mais l'important c'est pas la chute, c'est l'atterrissage." Cette petite phrase, je dois l'avoir entendu des dizaines de fois dans ma vie. Symbole aussi d'une génération de jeunes, La haine de Matthieu Kassovitz est devenu le film culte de beaucoup de jeunes. L'oeuvre a également divisé énormément les cinéphiles.
A titre personnel, j'ai adoré ce film. Premièrement, j'ai aimé le côté assez théâtral de l'oeuvre. On a une unité de temps qui est de 24h, on suit trois personnages uniquement de manière quasiment égale (avec peut-être un avantage pour Vinz vu que c'est lui qui récupère l'arme). De plus, on a une unité de lieu qui est la cité des Muguets et Paris d'une manière beaucoup plus générale. Bref, sur la forme je trouve l'idée pas mal réalisée. D'autant que le fond suit. Pour moi, on est vraiment dans la banlieue, avec des personnages parfois caricaturaux mais qui permettent d'apporter un certain humour au film. Je trouve Saïd ainsi très marrant par rapport à certaines de ses expressions ou de sa gestuelle. Il y a aussi ce moment où Vinz rêve et où on le voit danser. Il y a aussi cette scène culte de Vinz imitant Robert De Niro devant son miroir. Renvoi direct d'un jeune imitant un homme tout aussi perdu que lui. Les gars des cités n'ont pas d'avenir.
Il y a également une critique d'une société qui a tendance à exclure ces gens. Une critique aussi envers les préjugés que l'on possède. Il y a par exemple cette journaliste qui vient interroger les trois amis, qui n'ose pas descendre de la voiture et qui les associe directement aux émeutiers (hors il n'y a que Vinz qui y a participé). D'ailleurs, Vinz est vivement critiqué par Saïd et Hubert. Saïd lui joue le casseur mais n'en est pas un. Son plus grand crime est de s'inventer des histoires et de fumer de temps en temps. Hubert rêve d'une autre vie, de pouvoir quitter la cité. Des trois, il est le plus posé. Vinz quant à lui rêve de venger Abdel, le gamin victime de la bavure policière.
Si bien sûr, on suit le quotidien presque misérable des trois gars, on y constate aussi tout ce qui fait le côté négatif comme tous les petits trafics qu'il y a l'intérieur des cités. Certes, il y a cette volonté de nous montrer que dans la cité, ce sont des gens qui sont obligés de vivre comme ils peuvent mais Kassovitz a le bon goût de ne pas montrer que le bon côté. Il montre la cité telle qu'elle est et telle qu'elle doit exister à l'heure actuelle. J'ai trouvé cela fort louable surtout qu'il évite de tomber dans des préjugés ou dans le patho. Il y a un regard distancié que j'ai trouvé présent grâce aux personnages qui sont volontairement caricaturaux par moment ou à certaines situations (le coup de la vache dans la cité). Allez savoir pourquoi, j'ai l'impression d'avoir reconnu certaines de mes connaissances dans les personnages ou dans leur façon de vivre.
Je ne sais pas non plus comment l'expliquer mais j'ai trouvé ce film par moment doté d'une certaine poésie. Peut-être à cause de certaines scènes. Je me rappelle de ce black en train de danser du breakdance sur de la musique. Une sirène de police arrive, tout le monde se barre et on voit juste ce gars en train de danser sur la tête avec en arrière-fond le bruit de la sirène. Métaphore probable du gyrophare.
Et puis il y a cette fin tragique, qui me rappelle encore plus le domaine du théâtre. Cette nouvelle bavure policière qui vient rajouter une couche. Cette fin au fond pessimiste puisque Hubert, Saïd et les autres ne sortiront probablement jamais de la vie qui est la leur au moment où Vinz avait choisit le chemin de la rédemption. "C'est l'histoire d'une société qui tombe et qui au fur et à mesure de sa chute se répête sans cesse: jusqu'ici tout va bien, jusqu'ici tout va bien, jusqu'ici tout va bien. L'important c'est pas la chute, c'est l'atterrissage..."
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le 6 mai 2011

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