
Si vous recherchez un divertissement bas du front tenant en moins de deux heures, nul doute que The Great Wall saura vous contenter : pour autant, convenant qu’il serait de bon ton comme facile de lui taper dessus (avec allégresse, mais sans méchanceté aucune), faut-il y voir d’emblée un produit artificiel ne se vouant qu’à la rente d’un consortium sino-américain cupide ? Ne pourrait-il pas s’agir, à condition de gratter un peu, d’un blockbuster hybride redéfinissant à sa manière le genre ?
Bon, la réponse s’impose d’elle-même, mais ces digressions visent surtout à mettre en lumière (ou sauver, au choix) les quelques atouts probants du bousin : car mine de rien, Zhang Yimou est loin d’être un manche en termes de reconstitution historique et de déformation épique de la physique élémentaire (Hero, House of Flying Daggers), laissant de surcroît espérer que celui-ci ne serait pas qu’un simple yes-man de luxe. Par ailleurs, sitôt que nous outrepassons l’éternel cliché du sauveur étranger/occidental, peut-être que le rôle de William Garin (assorti de son comparse Pero) s’inscrirait dans la lignée des Ahmed Ibn Fahdlan et autres Nathan Algren… ce n’est, après tout, pas parce que Matt Damon a tout de la tête d’affiche bankable qu’il faut derechef tirer sur l’ambulance.
Néanmoins, oui, il n’en est rien. Face à la neutralité, le peu qui nous est ici inspiré, brasser ainsi du vent stimule l’imagination. Car The Great Wall n’est, sans surprise aucune, qu’un énième blockbuster faisant du guerrier et de la pyrotechnie ses principaux arguments de vente, le tout saupoudré d’un contexte de production internationale comme seule réelle particularité. L’illusion aurait pu fonctionner il y a quinze, vingt ans de cela, mais impossible de tomber dans le panneau aujourd’hui : son enrobage typé « conte et légendes » ne sert que de prétexte à de menues ficelles (cycle de soixante ans, minuscule portion de la muraille concernée, danger tenu secret etc.), elles-mêmes incapables d’occulter l’incongruité de son postulat.
Et encore, s’il ne s’agissait que de cela : lui concédant volontiers un goût du spectaculaire généreux, son outrecuidance chronique sape de bout en bout sa crédibilité. Les illustrations sont légions, cela allant du détail le moins dérangeant (les armures colorées et très fantaisistes ont leur charme) au plus extravagants, tel que le god-like mode qu’endosse William ou encore le non-sens de stratégies capillotractées (la technique du « saut de l’ange » est aussi stupide que la charge nocturne des dothraki). Quand bien même The Great Wall ne se prendrait pas au sérieux, soit, mais encore faudrait-il que ses lubies aient un minimum de sens.
Ajoutez-y sa prévisibilité naturelle et son panache artificiel, et voici donc que le peu d’intérêt suscité s’éteint logiquement. Il y a aussi cette drôle de narration, la trame faisant mine de se diviser à mi-parcours alors que les divergences d’opinion auront raison du tandem Will/Pero : cette sensation d’étrangeté est en ce sens inhérente à la sous-intrigue que va conduire le rôle de Pascal, marquée du sceau de l’indifférence faute d’enjeux véritablement forts. Tandis que son comparse aura maille à partir avec les Tao Tei dans une rédemption convenue, sa quête de la poudre noire va même prendre des allures de comédie aux frontières du cartoonesque, bien aidée par le concours savoureusement « Dafoe » d’un Ballard accessoire.
Voilà, nul besoin de développer plus amplement, The Great Wall ne méritant pas que nous nous penchions davantage sur son cas. Un énième blockbuster sans âme et donc aussitôt vu, aussitôt oublié.