La grande muraille – Bien inefficace face aux assauts du mauvais goût.

Je… Je… Je ne comprends pas. Zhang Yimou pourtant… C’est bien simple : tout est laid. Je n’ai adhéré à rien. Chaque minute fut pour moi l’occasion d’une grimace de gêne. On commence avec quelques cartons de textes poussifs ; symbole à mes yeux d’une narration qui n’a pas confiance en sa clarté ou, pire, qui n’a pas envie de faire l’effort de nous immerger subtilement dans son univers. Et puis vient tout de suite dans la foulée ce qui, pour moi, a été LE gros boulet du film : les effets spéciaux. Cette muraille, la première fois où on nous la montrée à l’écran, je n’ai pas compris quel était l’objectif visuel attendu. Le côté cheap – très CGI des années 90 – était-il voulu ? Il m’a fallu du temps avant de trancher la question. Je pense sincèrement que non. C’est juste que, sur la question des effets spéciaux, les Chinois sont encore clairement à la ramasse. Point barre. Ce qu’il s’est passé, c’est que « La grande muraille » a voulu jouer dans la cour des grands, usant des mêmes logiques d’effets visuels à outrance pour s’imposer dans la cour des grands blockbusters internationaux, mais qu’elle n’avait pas les moyens pour ça. Or, en voulant absolument tenir ce format standardisé US, cette « Grande muraille » s’est enlisée toute seule dans l’indigence et le mauvais goût. On ne me fera pas croire que Zhang Yimou a eu le final cut là-dessus. Un mec comme ça, il voit ce plan d’intro digne du niveau de « Mortal Kombat : destruction finale », eh bah il sait avoir le bon geste : il benne le plan. Purement et simplement. Et ça s’impose d’autant plus quand le plan en question n’apporte rien, ce qui est pour moi clairement le cas ici. Personnellement, si on avait commencé directement dans les montagnes sauvages, j’aurais largement préféré. Après tout c’était l’un des seuls beaux plans du film, et en plus c’était à un moment plutôt agréable, puisque c’était à un moment durant lequel on ne savait pas encore les atrocités qui nous attendaient derrière. Parce que oui, au rang des effets spéciaux dégueulasses, le pompon revient quand même à cette armada de monstres hideux. Encore une fois, j’ai eu l’impression de faire un bon de vingt ans en arrière. Les monstres ne prennent même pas convenablement la lumière. Des fois j’avais l’impression de mater un Breakdown, mais sans la phase où on a incrusté les derniers shaders. Monstres, flèches, boulets en flammes : tout fait toc. Atroce. Alors j’en entends déjà en train de ronchonner devant leurs écrans, en mode : « Roh ça va ! Un film ça ne se limite pas à ses seuls effets effets spéciaux ! On ne va pas le résumer à ça ! » Et en temps normal, je les aurais rejoint. Mais là, le problème, c’est que ce film entend se limiter à ses seuls effets spéciaux. C’est sa démarche manifeste. Clairement, à chaque instant, on ressent cette envie de rester collé au business-plan du bon gros blockbuster qui tache sans s’en éloigner d’un iota. Des effets spéciaux, il y en a tout le temps, en mode « money shot » à outrance, et le tout sans cesse surappuyé par une musique pompière qui ne sait jamais se taire (quand on se dit que c’est Ramin « Game of Thrones » Jawadi qui en est l’auteur, franchement je trouve que ça casse un mythe). Ça se veut une démonstration technique permanente, mais au vu du niveau atroce des CGI, ça ne contribue en fait qu’au naufrage du film. Alors après, certes, au milieu de toutes ces scènes de monstres hideuses, il y a un univers et une histoire qui essayent de temps en temps de subsister… C’est vrai… Mais là encore, il faut voir quel univers et quelle histoire. En toute honnêteté : n’espérez pas ça pour sauver l’intérêt du film parce que, là-dessus aussi, le film a su produire chez moi tout son lot de grimaces. Ça a commencé avec les armures des soldats chinois à la croisée des chemins entre « Power Rangers » et « Saint Saiya ». Ça a continué avec l’apparition, au milieu de tout ce gros trip testostéroneux, d’une bimbo-pouffe totalement ridicule. Et puis ça a enchaîné avec des propos plus que douteux, à base de « vous les Occidentaux vous êtes trop badass en tant qu’individus libres crachant sur les valeurs et les bannières, mais nous les Chinois, on en impose grâce à notre nombre et notre capacité à nous sacrifier pour l’Etat. » Alors déjà qu’un discours pareil, moi ça me crispe pas mal, mais quand en plus c’est asséné par les Powers Rangers en train de lutter contre les Monstroplantes, là j’explose. Ce film est tout simplement hallucinant. Hallucinant de laideur. Hallucinant de stupidité. Hallucinant de désincarnation totale au service d’une logique commerciale totalement vaine. Bref, tout ça à des allures de vieille série B douteuse ; de nanar à gros moyens mais sans recul ; de contrefaçon de « Pacific Rim » en mode « Made In China »… Et de me dire que cet étron là est désormais associé au nom de Zhang Yimou, moi, personnellement, ça m’attriste beaucoup… Un triste jour pour le cinéma.

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le 17 sept. 2017

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