Roy Earle sort de prison avec des rêves pleins la tête et une corde à son cou qui n'attend que de le voir de nouveau chuter pour le ramener dans sa cellule ou pire, le tuer.


Après 8 longues années à l'ombre, Roy regoûte à l'air frais de l'extérieur. Il se balade dans la nature et roule dans le désert dans des séquences idylliques avec, il est important de le préciser, des décors naturels. Des plans d'ensembles, en particulier ceux sur la montagne, viennent accentuer ce sentiment de liberté. Pourtant, ce sentiment est factice car Roy n'a jamais été libre. Bien qu'ayant purgé sa peine son statut d'ancien braqueur se lit sur les regards de ceux qu'il rencontre. Ce statut viendra de nouveau lui coller à la peau car dés sa sortie il devra participer à un autre braquage qui devra factuellement lui offrir lui la liberté qu'il recherche, lui qui ne veut que revenir sur les terres de son enfance. En confrontations aux grands espaces du début, Roy sera constamment entre 4 murs : ceux de sa chambres, ceux de Los Angeles et ceux de sa voiture. Quand bien même il retrouvera les environnements du début, ceux-ci ne viendront que confirmer son destin funeste. La route désertique dans laquelle roule Roy dans un cadre aérée deviendra oppressante lorsqu'il sera en fuite avec des plans vifs et rapprochés qui resserrent de plus en plus l'étau sur sa personne. Il montera avec sa voiture sur la montagne, auparavant apaisante, qui deviendra sa nouvelle prison. Ce qu'il a obtenu au début n'est finalement qu'une liberté éphémère comme l'indique la séquence de libération et celle de poursuite toute deux réalisées avec un montage extrêmement rapide comme si cette liberté pouvait être offerte et retiré en un claquement de doigt. Roy deviendra malgré tout libre dans le dénouement du métrage. En effet, il se libérera en mourant.
De ce destin tragique, Roy verra cependant une échappatoire par le biais de Velma. Cette dernière est une fille d'apparence sage et descendante de fermier, tout le contraire de Marie que le braqueur rejettera à cause de son passé. Il voit avec Velma un futur radieux, fait de voyage et champs verdoyants, sauf qu'il se trompera sur son compte. Derrière cette beauté et cette pureté – à l'image de la nature – la jeune femme sera le personnage ressemblant le plus à Roy, donnant ainsi l'impression que tout ce qui était autour de lui renvoyait à sa condition de voyou. Malheureusement pour le personnage, il ne peut s'échapper au travers des autres car eux-mêmes sont emprisonnés : Mendoza subit affreusement la pression du casse et finira par vendre à la police Roy pour pouvoir se libérer ; Marie porte sur son dos le poids de son passé et de ses relations, poids qui s’allège aux côtés de Roy ; Velma n'a jamais pu profiter à fond de sa vie à cause de son handicap, c'est seulement après l'opération qu'elle peut se lâcher. Roy n'est donc pas le seul en quête liberté, et ne sera pas le seul à remplir son objectif.


High Sierra possède un scénario assez basique mais qui est sublimé par ses deux acteurs principaux. Qui de mieux pour incarner Roy Earl que Humphrey Bogart, un des hommes les plus charismatiques de son temps. Bien que ce soit son premier vrai grand rôle, Bogey crève l'écran rien qu'en entrant dans le champ et Raoul Walsh vient souligner cette carrure par sa réalisation. Lorsque Roy est avec ses acolytes, la caméra, de part des gros plans sur son visage, des contre plongées sur lui et des plongées sur ceux qu'il réprimande, accentue sa domination et son statut de leader du groupe. Derrière cette carrure de chef, Bogart vient apporter une nuance à son jeu lorsque son personnage se trouve aux côtés de Velma et Marie. Avec elles, il est souriant et bienveillant, rendant ainsi son personnage aussi charismatique qu'attachant. Pour pouvoir tenir tête à Bogart à l'écran, le métrage se devait d'avoir une autre présence tout aussi imposante que celle de l'acteur. Cette présence est Ida Lupino, la femme campant à merveille le personnage de Marie. Cette dernière fait figure de femme libre et forte allant contre les hommes qui osent se mettre au travers de sa route. Ce personnage est d'autant plus fort que les autres femmes du métrage sont en comparaison réduit à la soumission. Nous pensons évidemment à la femme de l'ancien policier qui n'a pas le droit à la parole. Le duo Bogart/Lupino fonctionne alors extrêmement bien, l'un ne passant jamais au-dessus de l'autre.
L'autre grande force du film est son montage. Si ce dernier respecte la plupart du temps le classicisme hollywoodien, durant les séquences d'action il s'emballe. C'est nerveux, rapide et haletant. Malheureusement, le métrage rate la séquence de tension la plus importante : celle du braquage. Celui-ci est basique et très mollasson. Ça manque clairement d'inventivité. C'est dommage car la course poursuite qui suit est bien rythmée.


High Sierra présente le monde comme une prison à ciel ouvert dans laquelle il n'y a quasiment aucun échappatoire. Malgré tout nous y restons et nous croyions aux rêves de Roy Earl quand bien même son destin soit tout tracé.

Flave
7
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le 2 mai 2022

Critique lue 26 fois

Flave

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