40 ans et toujours puissante, ...cette "Métaphysique des tubes digestifs".

40 ans après, « La grande bouffe », ce grand pique-nique copieux et orgiaque est un film toujours aussi puissant. J’ai faim, je mange. Simple. Je n’ai pas faim, je mange quand même. Bon. Je n’ai plus faim du tout, allez, une dernière bouchée. Et alors ? Je me force à manger. Je n'arrive vraiment plus du tout? Un ami m'aide à la petite cuillère : "une cuillérée pour untel..." et me dit "pense à un petit somalien" (ou quelque chose du genre). Je suis calé, je continue toujours de manger. La nourriture est bloquée dans mon corps tant celui-ci draine des quantités gargantuesques d’un amoncellement de bouffe inhumain. Je me fais dessus, tellement j’ai mangé, je vomis, je crève. Je mange à m'en exploser la panse et j'en pète, des geysers, des flots de merde sortent de chiottes bouchées, embouchure obstruée - encombrée par toute cette bouffe chiée - consommée. Voilà, la grande bouffe!

Lorsque Philippe Noiret a lu le scénario, il en a tremblé a-t’il rapporté. Il était pétrifié, sa femme lui a demandé ce qui n’allait pas, et il lui a répondu qu’il croyait tenir dans ses mains « de la dynamite ». Le scénario : "4 amis se réunissent dans une maison pour se suicider par la bouffe…"

La critique de la société de consommation de Ferreri a beaucoup de force, de puissance, et fait preuve d'une étonnante prescience, d'une réflexion qui a encore beaucoup de sens 40 ans après, alors que les mouvements « contre une alimentation sans viande (ou avec moins de viande) » font entendre parler d’eux, que la malbouffe et le gaspillage sont toujours montrés du doigt. Le film critiquait l’absurdité de l’alimentation à la française, soi-disant raffinée et riche, et dans une plus large mesure, de l’alimentation à l’occidentale, consommation à outrance éhontée de la part des pays développés. Réduite au grotesque, la raffinerie de la cuisine française n’est plus vue comme un plaisir à manger, mais une simple nutrition basique, sauvage, un alitement de malade, une alimentation de bas-étage pour ruminants, exactement au même titre que les bovins. Et même de porcs, tant les comédiens surnagent dans le trop-plein de bouffe qu’ils se sont procuré, dans leur merde, à poil.

Les aliments les plus riches sont réduits à des produits de consommation sans valeur, sans dignité, au même titre que le sexe putassier. Une belle pute, élancée, à la superbe plastique, s’en va plonger nue dans un énorme gâteau à la crème. Deux produits de conso, réunis intimement par leurs pouvoirs d’attractions respectifs …seins et vagins sur crème glacée. Délicieux, mais il ne faut pas en abuser. Misogyne, le film l’est-il tant que ça? "
Mastroianni "baise" par-ci - par-là, dans le garage, dans un lit, un peu partout, il baise comme une otarie en pleine nature, comme s’il reprenait une pute une part de tarte au pomme avec une bonne tasse de café, quel "gourmant". La femme est une simple part de tarte aux pomme ici, et pourtant, derrière la soi-disant évidente misogynie, le film célébrerait l'amour et la femme (tout le contraire en fait). La femme (Andrea Ferrol) vient d'elle-même, reste ou part mais est libre finalement. L'homme la consomme (tout en la respectant?) mais ne lui manque pas directement de respect. Subtilité difficilement compréhensible à l'époque. Piccoli, au contraire, dit du corps de la femme "qu'il n'est que vanité", mais en ce sens qu'elle doit plutôt en être fière. D'où la démystification pour mieux la célébrer.

Quand ils n’en peuvent plus du tout de manger, ils jettent. Tels ces restes de repas « McDo » que l'on aperçoit dans le fossé des routes, les grosses pièces de viande sont étalées dans le jardin par des livreurs.

Brillant.
ErrolGardner
7
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Créée

le 18 avr. 2013

Modifiée

le 20 mai 2013

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Errol 'Gardner

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