Face au déluge de briques pixellisées que nous déverse ce film, il est nécessaire de faire le tri pour s’en faire une idée à peu près cohérente.

Epileptique, délirant, il est avant tout construit comme un cartoon assez proche de Tex Avery, fatiguant et hurlant, mais souvent jubilatoire. On saluera la malice avec laquelle il joue de son postulat, les briques : c’est d’abord une limite, celle de la forme et des carrés qui rappellent les débuts du film d’animation, et qui donnent ici une touche assez originale et artisanale dans les effets d’eau, de fumée, ou de flammes ; mais c’est aussi le potentiel infini de construction, à savoir l’aspect séduisant des Transformers enfin intelligemment exploité.
C’est d’ailleurs l’un des centres du scénario que de défendre l’imaginaire, la construction sans plan et la possibilité de détruire pour reconstruire.

Cette jolie morale passe par une exposition satirique qui aura le mérite de plaire aux adultes et passera probablement bien au-dessus des enfants qu’ils accompagnent. La société dystopique où l’uniformité et l’imbécilité heureuse règnent en maitre est un agréable point de départ, saturé de références à notre société de consommation (j’ai beaucoup aimé le café à 42 dollars). L’ironie, souvent présente dans les films d’animation, atteint ici son apogée, qu’elle gangrène la figure du héros qui n’en est pas un ou par la parodie constante et les références à tout ce qui fait la culture pop des spectateurs, de Batman à Star Wars, habile façon de dérouler l’impressionnant catalogue des franchises détenues par Lego. Mention spéciale au regard oblique porté aux parents par l’astronaute des années 80 et son bas de casque brisé : j’ai cru qu’ils l’avaient cherché dans mon passé.

Car on ne s’y trompe évidemment pas : la publicité que fait la marque pour ses briques est d’une intelligence assez redoutable : logée au cœur d’un discours apparemment anticonformiste, valorisant l’imaginaire, l’initiative personnelle et la démocratie, le récit parvient à faire de ses jouets l’étendard d’un idéal moral et comportemental.
Lego est effectivement, à l’image de son président Business, partout : dans les rayons de jouets, les jeux vidéo, et dans le sillage de tous les blockbusters des dernières années. Doté de cette arme absolue qu’est l’autodérision, la marque s’offre une vitrine grand luxe pour un catalogue en 3D qui proclame sa toute puissance, sa malice et son règne dans les franchises et les cœurs, grâce à cette ode à la construction personnelle.

Bravo aux responsables du service marketing, c’est du très beau boulot.

Créée

le 31 oct. 2014

Critique lue 2.7K fois

96 j'aime

11 commentaires

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 2.7K fois

96
11

D'autres avis sur La Grande Aventure LEGO

La Grande Aventure LEGO
cloneweb
9

Critique de La Grande Aventure LEGO par cloneweb

Comment aurais je pu me douter en ouvrant ma première boite de Lego dans les années 80 que je verrais un jour un petit bonhomme jaune au cinéma ? Pourtant, quand on regarde l'évolution de la marque...

le 21 févr. 2014

70 j'aime

1

La Grande Aventure LEGO
drélium
7

(:L;E:G:O)

Après le craquant "Tempête de boulettes géantes", adaptation délirante d'un livre pour enfants, Phil Lord et Christopher Miller remettent le couvert avec un concept encore plus louche, à priori...

le 18 mai 2014

56 j'aime

1

La Grande Aventure LEGO
Gand-Alf
8

Totally Awesome !

Avec les innombrables licenses qu'elle possède, son statut de géant du jeu de construction depuis belle lurette, sa nature même de jouet renouvelable à l'infini et surtout, sa dimension...

le 28 juin 2014

52 j'aime

7

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

765 j'aime

104

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

700 j'aime

49

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

615 j'aime

53