There's everything nice about you

Une histoire toute bête d'un couple qui se découvre, pas de pitchs ni de twists inventifs, pas de retournements compliqués ou de technologie d'aucune sorte, pas d'artifices de scénario. L'amour tombe du ciel, les mois passent, le travail est aliénant, la famille s'agrandit, l'argent ne tombe pas du ciel, John et Marie sont heureux à la fête foraine.

John est insouciant et rêve d'être un grand homme. Il trouve que Marie est la plus belle femme du monde. Il jongle et joue du banjo parfois, presque pour montrer qu'il fait quelque chose. Marie est très amoureuse et aussi très courageuse. Cela l'aveugle un peu, ou bien c'est simplement qu'elle sait ce qu'être heureuse. Et tout est comme ça. On nage en pleine romance d'un couple ordinaire pendant toute la première demi-heure.

Au milieu de la foule de la grande ville, du train, du bateau, des transports, de la rue, du travail, du théâtre, etc, ils se retrouvent dans leur petit appartement où King Vidor nous attache à eux irrémédiablement entre touches comiques attendrissantes et réalité du quotidien. Les mois passent vite et leur union se fortifie avec l'arrivée d'un fils puis d'une fille. Pourtant, ils semblent de plus en plus seuls et fragilisés. Pas d'amis, pas de folie, la vie est brutale, les illusions s'effacent et le moindre évènement devient le notre jusqu'à en tomber muet d'hébétude.

James Murray est irradiant. John est un pur chieur mais pétri de tendresse et de bonne humeur. Eleanor Boardman est naturelle. Marie est une femme simple, au dévouement bien trop old school mais qui rayonne de féminité. On pourrait les regarder exister encore bien plus longtemps au milieu du grouillement de la vi(ll)e, ils ne pourraient pas davantage nous rappeler qui nous sommes.

Toute la mise en scène n'est que détails, minutie du cadre et expressions subtiles du visage, à en finir par traquer l'écran du moindre soubresaut de sourcil qui se fronce ou de doigts qui s'agitent. Le film fait des sauts de mois en mois et King Vidor montre toujours la foule compacte, l'échelle motrice de l'existence dominant l'échelle humaine plus fragile. Une masse anonyme entoure leur flamme qui devient précieuse à nos yeux, au milieu de quelques cadrages d'habitations hallucinants de géométrie massive et de quelques travellings "ouverture de mâchoire" dantesques pour un film de 1928. C'est du petit lait. Musique parfaite qui colle à l'image. Pas une seconde d'ennui. Grandiose.

***spoiler***
Ironie finale, un slogan publicitaire peut faire votre bonheur.
J'ai un peu pensé à L'île nue...
Je sais maintenant d'où vient le génie de cette phrase reprise dans Old Boy et portée au culte depuis : "Ris, et le monde rira avec toi. Pleure, et tu seras le seul à pleurer."
drélium
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le 26 nov. 2011

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drélium

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