Wes Anderson concourt au titre du cinéaste le plus orignal des USA, c’est ce qu’on a dit. Et comme c’est un esthète qui ne laisse rien au hasard, on peut croire qu’il a les moyens de ses ambitions. Chez lui, tout est toujours peaufiné dans les moindres petits détails, rien n’est laissé au hasard. C’est un fantaisiste et un perfectionniste, Wes.
Par exemple, dans cette fameuse famille, il y a Ben Stiller qui joue un des fils Tenenbaum, père de deux enfants. Et bien ils ont toujours un survêt ADIDAS rouge sur le dos, quel que soit la scène, quel que soit la situation, tout le temps. Quand ils mangent, dorment, se brossent les dents, au saut du lit, tout le temps. Ce n’est même plus du placement de produit, c’est du placardage publicitaire à outrance. Et un des petits garçons à toujours un petit chien en laisse, toujours. Ils vont à l’école ? Mangent un kébab ? Font du ski ? Vont sur la lune ? Le petit chien est là, en laisse, toujours, comme dans un tableau de Goya fixe, avec le survêt ADIDAS rouge. Le contraste est drôle, au début. Gwyneth Paltrow joue la fille Tenenbaum, une gothique refoulée, qui porte une prothèse à la place d’un doigt qu’elle a perdu par accident. Très beau design, la prothèse, en bois vernis, très chic, du plus bel effet. Et c’est tout le temps comme ça.
Une galerie de portraits, décalée, avec une accumulation d’accessoires, de tics, d’objets, de trucs, de scènes, de flash-backs. Une accumulation de scènes qui ressemblant à des tableaux art déco, ou des affiches de pub resplendissantes. Très joli, mais sans une once de vie, sans une tache, nickel, une mécanique inexorablement…mécanique. Pas que ce soit mauvais, mais c’est très systématique, comme une recette qu’il applique à la lettre. Je retrouve à chaque film l’humour acide, troisième degré, les jeux de langages fleuris, l’histoire qui sert de tapisserie, totalement secondaire, l’importance du casting, toujours luxueux, toujours. Pour qui n’est pas fan absolu du bonhomme, ou amateur d’excentricités esthétiques, ça peut laisser aussi froid que le film est lissé. Et dans un casting pareil, il faut reconnaître que Gene Hackman sort du lot haut la main. C'est le plus drôle, le moins potiche, le plus vivant en somme, je ne l’attendais pas aussi bon, dans ce rôle de mari délaissé, mais qui s’incruste, et arrive à nous fait rire.
Malheureusement, le reste du film est écrasé par la mise en scène, stylé comme on l’a vue, mais glacée. On frise la masturbation intellectuelle, même si ça nous arrache un sourire de temps en temps. Cette famille n’a de famille que le nom. C’est surtout un paravent pour dissimuler un sens du contrôle maniaque, une mise en scène parfaite, et parfaitement obsessionnelle. Le besoin de maîtrise de Wes tue ses prétentions poétiques.
Et même si certains ont de gros problèmes relationnels dans cette fameuse famille de petits génies, on ne s’en rend même pas compte, parce que les Tenenbaum sont parfaits tels qu’ils sont, ce sont des objets dans le manège de Wes. Et c’est tout ce qui compte.