La terreur est souvent une histoire de décalage.
Prenons un exemple, avec quelque chose de tout à fait banal. Tenez, l’eau, par exemple.
Imaginez deux secondes nos océans sans eau et tentez de visualiser les fonds marins (la fosse des Mariannes ?) exposant soudain leurs terribles secrets à ciel ouvert, sous une lune gibbeuse.
A l’inverse, mettez un océan là où il ne devrait pas être, et le résultat est tout aussi effrayant: Paris et ses monuments majestueux par 2000 mètres de fond, éclairé par le pinceau de lumière d’un microscopique sous-marin ferait froid dans le dos, non ?


L’humour, c’est pareil. Une conférence sur la transmission des MST chez les jeunes en milieu rural à l’hôpital Cochin déclenchera peu de fous-rires. Par contre, le même exposé, dans une réunion mensuelle diocésaine consacrée aux enfants de chœur, provoquera à coup sûr une hilarité de bon aloi.


Sardou, comme un agneau


C’est sur cette idée de départ que ce sont sans doute focalisés les scénaristes de la famille Belier.
En oubliant, surement, que tenir un point de départ ne suffit pas à rallier à coup sûr et sans encombre sa destination.


Qu’est-ce qui a bien pu faire penser à Victoria Bedos (fille de Guy) que reprendre la formule à succès des Intouchables suffisait à faire un film honorable ? Sans doute, allez-vous me répondre, le nombre d’entrées en salle, qui a si prévisiblement validé à postériori l’inutilité absolue de toute ambition artistique pour faire un carton dans notre beau pays. La famille Belier, c’est Clem plus une Louma.


Le signe du Bélier, d’une lourdeur astronomique


Un point de départ plutôt sympathique (une famille composée aux trois quarts d’handicapés) et une ou deux bonnes idées (la scène du duo entendue à travers les oreilles des parents) exonèrent-ils de raccourcis pénibles, d’ellipses ridicules ou de personnages sans consistance, ni cohérence ? (Le maire, le prof, le copain). Doit-on assener pendant 106 minutes des reprises pénibles de Michel Sardou pour justifier un morceau final à l’oportunsime outrancier dans une scène non moins hallucinante de coïncidences dégoulinantes à la bienveillance consensuelle écoeurante ?


"Ouiiii mais", me disait, au sujet du film, ma douce moitié aux yeux embrumés par un final qui l’avait tourneboulée "il faut savoir ne pas tout analyser et se laisser emporter par le côté léger et bienveillant du film !" Sans doute. Le problème, c’est qu’il y a des pays et des époques ou cette volonté originale pouvait se marier avec une écriture de haut vol, une interprétation sublime et une véritable légèreté de ton.


Ecrire autour du handicap est sans doute louable. Le faire sans souffrir soi-même du SGUEGUE (Syndrome Général Uliginaire d’Ecriture Gênante Ulcérative et Exécrable) serait surement idéal.
J’imagine qu’il vaut mieux entendre Sardou qu’être sourd.

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le 9 mai 2015

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guyness

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