Difficile de rester insensible devant ce film-témoignage de Wanda Jakubowska, réalisatrice et résistante polonaise, adhérente du Parti communiste, qui finira internée dans le camp d'Auschwitz-Birkenau après avoir passé 6 mois dans la prison de Pawiak suite à son arrestation par la gestapo. La volonté de Jakubowska de réaliser un tel film remonte à ses premiers moments d'emprisonnement, et c'est en tant que rescapée d'Auschwitz qu'elle se lancera dans la réalisation de ce film, sur les lieux mêmes de l'horreur, seulement 2 ans après son évasion du camp de concentration. Cette force-là fait de La Dernière Étape une œuvre dont la portée est nécessairement unique, au-delà du fait qu'il s'agisse du premier film entièrement situé dans Auschwitz-Birkenau.


Si le film ne témoigne pas d'un talent de mise en scène hors du commun, et si son scénario n'est pas exempt d'écueils, il reste toutefois un témoignage intéressant sur la vie des femmes déportées dans sa première partie. Sans vraiment s'approcher du documentaire, le quotidien de ces femmes aux origines très différentes (et aux traitements tout aussi différents, en fonction de leurs origines et de leurs capacités linguistiques) est raconté avec un calme vraiment étonnant, sans excès, comme si Jakubowska bénéficiait d'un recul impensable en 1947 au moment du tournage. Les détails pragmatiques sont tous présents : l'arrivée des trains, l'appel dans les champs de boue, l'orchestre de camp contraint de jouer dans les pires moments, les sélections pour emmener des femmes aux chambres à gaz dont on perçoit les cheminées, etc.


La seconde partie est beaucoup plus orientée vers une tranche fictionnelle, gouvernée par une tonalité de propagande communiste avec ses personnages un peu stéréotypés. Autant dans la première partie on ressent sa volonté de ne pas montrer les aspects les plus morbides d'un camp de concentration (pas de tas de corps pour le dire crûment), autant la fiction de la seconde partie montre ses limitations en matière de dramaturgie — et ce malgré l'aval de Mikhaïl Kalatozov à l'encontre du gouvernement polonais. La Dernière Étape restera quoi qu'il en soit important pour son témoignage dans l'immédiateté, avec un casting entièrement polonais pour interpréter les différents rôles, prisonniers, kapos et SS.


http://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Derniere-Etape-de-Wanda-Jakubowska-1948

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le 22 févr. 2022

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Morrinson

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