La Couleur des Sentiments est un paradoxe. C'est un film qui traite d'un sujet déjà abordé des dizaines de fois et qui pourtant arrive à intéresser pendant 2h30. C'est un film de femmes qui ne verse pas dans le film de minettes. C'est un film qui use nécessairement de clichés sans pourtant tomber dans la caricature. C'est une énigme pour moi que d'avoir aimé ce long-métrage alors que j'ai l'impression d'avoir été embrigadé dans un immense chantage émotionnel.

Je pense que c'est avant tout parce que le film est intelligent. Souvent maladroit (les bonnes, voire très bonnes séquences laissent de temps en temps place à une scène totalement à côté de la plaque, d'où ce rythme quelque peu en dents de scie), La Couleur des Sentiments est tout de même attachant car il n'essaye pas de prendre les spectateurs pour des cons. Pas de violons de supermarché, de pathos larmoyant ou de petits chiots ici, on assiste à un portrait, plus ou moins consensuel certes, de la petite ville sudiste des années 1950. Il y a des méchants, des gentils, et parfois la vie peut se résumer à des choses aussi simplistes. Et puis surtout il y a un échange, on n'assiste pas simplement à cette jeune femme blanche venue sauver les domestiques noires et leur condition précaire. Au contraire même, ces formidables bonnes femmes portent le récit à bout de bras, Emma Stone n'est là que pour provoquer la petite étincelle qui les poussera à prendre leur destin en main.

Les stars du long-métrage, ce sont bien évidemment les femmes. Je pense même que c'est par ici qu'il faut commencer à chercher une bonne raison de voir ce film. Les personnages sont hauts en couleur et les interprétations à l'avenant. Emma Stone est excellente, comme à son habitude, mais elle se fait ici voler la vedette par Viola Davis et Octavia Davis. On pourra regretter le jeu un peu léger de Bryce Dallas Howard, mais c'est sans doute dû à son personnage pas franchement réussi. Mais la révélation du film, c'est bien Jessica Chastain, qui prend le contre-pied de sa prestation dans The Tree of Life pour jouer une jeune white trash pas si idiote que ça et à la candeur rafraîchissante. Dommage cependant que son rôle soit exploité un peu tard dans le métrage, car elle méritait vraiment de jouer les têtes d'affiche. Mention spéciale pour finir aux doyennes Sissy Spacek et Alison Janney, qui représentent des appuis solides en tant que seconds rôles.

Je ne suis toujours pas en mesure de dire précisément pourquoi j'ai aimé La Couleur des Sentiments (au passage quel titre français de merde...), en tout cas je peux avancer sans trop de crainte que je ne l'ai pas détesté. La mise en scène, sans être affreuse, n'est pourtant pas très inventive, et Thomas Newman à la musique se fait beaucoup trop discret pour que je puisse louer ce film pour ses qualités techniques. En y regardant de plus près, on doit pouvoir y trouver un scénario pas très finaud, respirant de temps à autres quelques pudibonderies manichéennes. Et pourtant en prenant un peu de recul, comme pour un bon Monet, on y verra une oeuvre divertissante et bien plus finement construite qu'elle ne le laisse entendre au premier abord.

Oui, il y a de la guimauve, mais la guimauve ça ne fait pas de mal de temps en temps, c'est même très bon à petite dose. C'est ça aussi le cinéma, savoir apprécier les petits plaisirs. Quant à savoir si on lui met le petit coeur ou pas, il faudra attendre un nouveau visionnage pour cela.

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le 3 nov. 2011

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HarmonySly

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