Les pancartes dès le début du film sont très prometteuses. Le film présente l'université Al-Azhar et souhaite nous faire découvrir par ce biais le combat de pouvoir qui se joue entre la politique et la religion en Egypte.

Le film a deux faiblesses principales. La première est sa forme. Très vite, le film épouse les codes du thriller. Le jeune Adam, recruté par l'université, se retrouve malgré lui piégé par un officier de l'Etat et va devoir jouer double jeu et infiltrer les réseaux les plus extrêmes de l'université. Pourtant, la tension qui pourrait découler de cette situation n'est jamais ressentie par le spectateur tant les codes du thriller sont caricaturaux. La musique est très présente, pour artificiellement rythmer un récit qui refuse de prendre le temps de construire son propre rythme. Tous les obstacles qui vont se présenter à Adam et qui sont introduits au spectateur seront, sans exception, résolus dans les minutes qui suivent. Les exemples ne manquent pas. L'officier de l'Etat conseille à Adam de se faire voir par la frange extrême de l'université avec un livre interdit qu'il lui donne. Littéralement dix secondes plus tard, la scène suivante montrera Adam sortir le livre de son sac devant le leader de cette frange extrême. Il est très énervant de voir à quel point le film refuse de créer la moindre tension autour des enjeux de son personnage principal. Cela sera vrai jusqu'à la fin. Adam parviendra à faire arrêter le cheikh dans le viseur de l'Etat dès son premier entretien avec lui puisqu'il aura le malheur de dévoiler son terrible secret au bout de seulement deux phrases, puis il parviendra à convaincre le cheikh qui menaçait de dévoiler toute cette conspiration à son tour en seulement deux phrases, car il aura eu l'intelligence de sortir la bonne citation.

Cette volonté de faire prévaloir la forme du thriller sur le reste du film se fait au détriment des personnages qui ne semblent être que des pantins. L'exemple le plus flagrant est Raed, un autre élève, introduit comme un ami d'Adam après 45 minutes de film pour être trahi par son ami 3 minutes plus tard. Aucune empathie ne se construit entre les personnages et le spectateur car les personnages manquent cruellement de profondeur. La prestation des acteurs participe également à ce sentiment tant les enjeux du récit semblent avoir peu d'impact sur leur jeu. Cela est même le cas pour le personnage principal, dont on peine à comprendre la psychologie. Présenté comme extrêmement timide et facilement intimidable tout au long du film, interprété avec le même air fragile par Tawfeek Barohm, il en devient ridicule de le voir inexplicablement devenir un grand orateur capable de parvenir à obtenir exactement ce qu'il veut en un clin d'oeil. Il est par conséquent dur de définir sa trajectoire au long du film tant il semble avoir peu évolué malgré tout ce qu'il aura vécu dans l'université. C'est sans doute pour cela qu'il était plus convenable de le faire retourner dans son village natal avec une télé fambant neuve, pour matérialiser son évolution.

La deuxième principale faiblesse du film qui l'empêche de parvenir à tenir ses promesses est son manque de subtilité et d'objectivité. Il est dur de croire que le film nous présente une vision honnête de la religion en Egypte dès lors que le seul cheikh de la frange extrémiste est montré, dès son prêche terminé, en train de commander un Mcdonald en toute discrétion. Le film est en ce sens très naïf et il aurait été plus judicieux d'essayer de faire comprendre pourquoi ces discours islamistes extrêmes trouvent un public plutôt que de bêtement montrer leurs adeptes comme des hommes malhonnêtes qui ne respectent pas leur propre opinion. Que ce soit la vision de la religion ou de l'Etat, le film s'arrête à une version très manichéenne. Il y a des hommes honnêtes prêts à se battre pour le bien, et d'autres malhonnêtes qui vont faire régner le mal.

Toutefois, le film possède plusieurs bonnes trouvailles esthétiques. Elles auraient pu être davantage exploitées, d'autant que certaines se trouvent déjà dans la bande-annonce. Mais cela ne suffit pas à sauver le propos du film qui avait pourtant l'air si prometteur. Il est dommage que le spectateur n'apprenne rien de plus que ce qu'il pouvait lire sur les cartons introductifs, tant le reste du récit est biaisé par la prévalence de la forme sur le fond et par un un manque volontaire d'objectivité.

Alsh74
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le 12 nov. 2022

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