˗ Hmm... Bénissez-moi mon père parce que j'ai péché.


˗ J'imagine que vous avez encore dit du mal du cinéma français, mon fils ?


˗ Oui, père Morin. Mais c'est pas de ma faute, surtout après avoir vu des films comme RAID Dingue et Dalida, ou encore quand on a le choix entre Baby Phone et L'Embarras du Choix à l'affiche cette semaine.


˗ Que faîtes-vous de la charité chrétienne, mon fils ? Mais entre vous et moi, je comprends votre désespoir et votre embarras, ou plutôt votre choix de l'embarras, d'après ce que vous me dîtes.


˗ J'ai même failli aller dans une salle par dépit, vous voyez...


˗ Non, pas à ce point là, quand même ?


˗ A vrai dire, presque. Puis je me suis souvenu de la bande annonce de La Confession, qui avait éveillé ce qu'on pourrait appeler une certaine curiosité. Presque autant, en tous cas, que le nom de son réalisateur, Nicolas Boukhrief, bien plus habitué à s'illustrer dans le thriller / policier, comme dans Le Convoyeur, Cortex ou Gardiens de l'Ordre.


˗ Oh ! Un film sur le pouvoir de notre divin ? Quel plaisir !


˗ Pas exactement, mon père. Il s'agit plutôt de la relation entre un abbé et une communiste revêche qui tombe peu à peu sous son charme. D'autant plus facilement que l'abbé, c'est Romain Duris.


˗ Ah ! C'est un remac !


˗ Pardon mon père ?


˗ C'est l'histoire de Léon Morin, Prêtre... Refaite...


˗ Ah, OK ! Un remake !


˗ Si vous le dîtes... Et c'est mieux, ou c'est moins bon ?


˗ Je ne sais pas, je n'ai pas vu Léon Morin, Prêtre.


˗ Un autre péché, celui d'ignorance crasse dans votre cinéphilie. Quel malheur.


˗ J'avoue, oui. Mais je peux vous dire que j'ai aimé pour me rattraper ?


˗ Si c'est sincère, oui. Allez, Notre Seigneur passera l'éponge sur ce péché capital.


˗ Oui, j'ai bien aimé cette confrontation, cet homme de Dieu enjôleur malgré lui qui, devant l'opposition frontale de Barny, déshabille le dogme catholique pour débattre et le mettre à l'épreuve d'une vérité communiste trop bien apprise. J'ai bien aimé l'assurance nonchalante affichée par Romain Duris, même si son sourire quasi constant semble parfois sorti d'une comédie romantique nouille dont il a le secret. J'ai bien aimé, aussi, chacune des confrontations verbales entre les deux principaux protagonistes, chacune de leurs empoignades verbales, intenses, non pas pour se convaincre ou convertir, mais au contraire pour faire prendre conscience et ouvrir les yeux... Ah Les yeux ! Ceux de Marine Vacth... Quelle... Quelle...


˗ Vous avez cédé à la tentation, mon fils...


˗ Oui, Quels yeux ! Ils peuvent se montrer aussi durs que le métal, presque enragés, tant Barny est remplie d'une colère sourde. Ils manifestent aussi le défit et l'orgueil. Puis, au fur et à mesure que le récit avance, ils prennent par instant une autre couleur, quand le personnage s'abandonne, s'assagit. Quand la fascination et l'amour naissent et grandissent. Nicolas Boukhrief a su capturer cela tout au long de son film. Il s'attarde sur les yeux perdus vers l'horizon, sur les visages de ses héros, solaires ou au contraire renfermés. La beauté de Marine est là, atypique. Elle a le charme d'une enfant qui aurait grandi trop vite, tout en exprimant aussi toute sa dureté, son insoumission, sa colère, sa force. Son portrait de femme tourmentée, dessiné par une caméra qui la flatte et la caresse, devient l'intérêt principal du film. Magnétique, magnifique, elle tient tête à l'ecclésiastique tout en s'abandonnant peu à peu aux sentiments que leurs joutes nourrissent. Mais cette attirance, finalement, fleurira dans des silences lourds de sens, de ceux qui arrêtent le temps, comme si on ne voulait entendre les mots. Duris, lui, n'atteint ces sommets que par instants, malheureusement, même s'il bénéficie de l'aura de son personnage, dont on parle bien longtemps avant son apparition effective à l'écran. Tout cela s'illustre dans un contexte de la seconde guerre mondiale qui n'est jamais surligné, impression renforcée par le point de vue de Barny que Boukhrief a choisi d'adopter. Il est de plus nuancé, montrant l'étendue du spectre des comportements humains en temps de guerre. Parfois même en impression de hors-champ.


˗ Ce film serait-il donc parfait mon fils ?


˗ Non, malheureusement, mon père. La Confession souffre d'un rythme rendu perfectible par quelques longueurs où l'on sent que l'évolution du scénario piétine. Un peu. Sans affecter cependant le ressenti que laisse le film à la sortie de la séance.


˗ Vous me rassurez, mon fils. Je vous accorderai donc l'absolution. Mais en guise de pénitence, je vous invite à voir dans les plus brefs délais Léon Morin, Prêtre, pour que vous ne mouriez pas idiot si Notre Seigneur décidait de vous rappeler auprès de lui. J'ai failli vous faire réciter trois pater et deux n'avé, mais je me suis dit qu'avec RAID Dingue et Dalida, vous aviez déjà suffisamment morflé.


˗ Votre clémence vous honore, mon père.


˗ Allez dans la paix du Christ mon fils, et ne forcez pas trop sur le vin de messe, comme vous le confessiez dans votre avis sur Silence...


Behind_the_Mask, qui se demande ce qui se cache sous la robe de son abbé.

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le 15 mars 2017

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