Ceux qui auront vu Troupes d'élite de José Padilha se trouveront en terrain connu, avec une violence frontale et une mise en scène nerveuse, mettant en valeur ici, par les décors faussement lumineux, toute la misère sociale. Et ceux qui n'ont peur de rien trouveront à La Cité de Dieu un certain charme voire un aspect franchement jubilatoire, du à une alternance de décalage, d'ironie, de cynisme et de rythme endiablé, ne laissant jamais au spectateur l'alternative de laisser son esprit divaguer, malgré plus de deux heures de film, et permet d'être légèrement en retrait d'une ultra violence glaçante.


Les deux opus de Padilha se situaient du point du vue de la police et de la bataille d'un colonel pour nettoyer le quartier du trafic de drogues, pour Fernando Meirelles c'est une guerre des gangs qui commence dès le plus jeune âge et met en évidence la jeunesse perdue des favelas de Rio, la sournoise addiction à la drogue et aux armes, en ciblant par la même occasion le meilleur marché existant, n'hésitant pas à se tuer les uns les autres, dans la joie et la bonne humeur, où la solidarité n'existe pas quand il s'agit de survie.
L'histoire, du point de vue d'un jeune aspirant photographe, issu du quartier, en retrait, sorte de témoin silencieux de ce qui se joue, nous parle et nous raconte, et nous suivons les évolutions de chacun et la lente mais inévitable descente aux enfers d'un quartier, où les victimes collatérales sont légion.
Usant de flashbacks qui permettent de ne pas se perdre dans la multitude de personnages, de la petite enfance à l'âge plus ou moins adulte, déclinant son histoire sur une dizaine d'années, passant d'une époque à une autre, à la manière d'un puzzle, tout est d'une limpidité parfaite, s'accordant même à nous parler d'amour ou des liens amicaux qui permettent de se confronter à l'adversité. On peut souffler et ne pas se tromper sur la bienveillance du cinéaste pour ses jeunes victimes sans pour autant excuser leurs actes.
Le montage, les dialogues des rues et la fougue de la mise en scène répondent parfaitement au souci de réalisme et d'authenticité. Une photographie pas toujours très jolie appuie l'aspect documentaire et s'ajoutent de très belles vues de l'appareil photo et de nombreux plans de caméra à l'épaule, pour une immersion totale.


Padhilha réussissait peut-être mieux dans l'alternance de scènes fortes où dans La Cité de Dieu, un léger manque de nuance et une répétition des fusillades peut parfois lasser. Mais le jeu d'acteurs, tous issus de ces quartiers, est excellent. Une bande son jouissive entre musique brésilienne et disco funk appuie encore un peu plus l'aspect débridé et électrique pour cet exercice de style assez étonnant.
L'envers du miroir qui aura le mérite de marquer les esprits d'autant que la production se fait rare, je ne peux que le conseiller.

limma
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 11 sept. 2019

Critique lue 705 fois

15 j'aime

3 commentaires

limma

Écrit par

Critique lue 705 fois

15
3

D'autres avis sur La Cité de Dieu

La Cité de Dieu
Docteur_Jivago
9

Under the Bridge

Collection "Tentations par mes éclaireurs" : JimBo Lebowski Rio de Janeiro, années 1960 : La pauvreté, le trafic de drogue, la violence, les guerres urbaines règnent dans une des banlieues appelée...

le 21 sept. 2014

73 j'aime

9

La Cité de Dieu
Affranchi06
9

La claque

« Je pensais qu'une photo changerait ma vie, mais dans la cité de dieu, si tu t'en vas, t'es mort. Et si tu restes, t'es mort aussi, et c'est comme ça depuis que je suis petit. » La Cité de...

le 13 déc. 2017

18 j'aime

1

La Cité de Dieu
limma
8

Critique de La Cité de Dieu par limma

Ceux qui auront vu Troupes d'élite de José Padilha se trouveront en terrain connu, avec une violence frontale et une mise en scène nerveuse, mettant en valeur ici, par les décors faussement lumineux,...

le 11 sept. 2019

15 j'aime

3

Du même critique

Apocalypto
limma
10

Critique de Apocalypto par limma

Un grand film d'aventure plutôt qu'une étude de la civilisation Maya, Apocalypto traite de l’apocalypse, la fin du monde, celui des Mayas, en l'occurrence. Mel Gibson maîtrise sa mise en scène, le...

le 14 nov. 2016

74 j'aime

21

Captain Fantastic
limma
8

Critique de Captain Fantastic par limma

On se questionne tous sur la meilleure façon de vivre en prenant conscience des travers de la société. et de ce qu'elle a de fallacieux par une normalisation des comportements. C'est sur ce thème que...

le 17 oct. 2016

60 j'aime

10

The Green Knight
limma
8

Critique de The Green Knight par limma

The Green Knight c'est déjà pour Dev Patel l'occasion de prouver son talent pour un rôle tout en nuance à nous faire ressentir ses états d'âmes et ses doutes quant à sa destinée, ne sachant pas très...

le 22 août 2021

59 j'aime

2