La Chaîne
7.3
La Chaîne

Film de Stanley Kramer (1958)

Stanley Kramer fut d'abord un producteur audacieux dès ses débuts en 1949, puis passa ensuite à la réalisation ; la Chaîne est son troisième film qui lui permet d'aborder un sujet fort qui est celui de l'épineux problème racial dans cette Amérique des années 50 ségrégationniste. Traiter d'un tel sujet à cette époque était courageux, de même que ça permit de hisser un acteur noir en co-vedette, ce qui n'était pas évident en 1958. Sidney Poitier était très connu à l'époque, mais il n'avait eu que des rôles secondaires, ce qui lui donna l'opportunité d'accéder aux premiers rôles, et il se révélera très bon dans des films comme les Drakkars, L'Organisation ou Dans la chaleur de la nuit... il retrouvera Stanley Kramer en 1968 pour Devine qui vient dîner? qui s'attaquait cette fois aux mariages mixtes entre Noirs et Blancs.
Le réalisateur installe une ambiance spécifique, en démontrant les sentiments humains de haine se transformant ensuite en estime puis en amitié qui vont animer ces 2 bagnards unis par cette chaîne ; victimes des préjugés raciaux, ces hommes vont être désormais reliés par un lien plus fort que leur chaîne. En cela, le film est profondément antiraciste et humaniste, tout en évitant le piège du manichéisme dans lequel il pouvait tomber. Le message de Kramer est parfois asséné avec un peu de lourdeur, mais ce défaut est rattrapé par le jeu des 2 acteurs sur qui tout repose. Tony Curtis qui cherchait à oublier ses rôles de beaux gosses, confirme son registre dramatique qu'il avait déjà abordé 2 ans auparavant avec le Grand chantage, il aurait selon la légende, remplacé Robert Mitchum qui avait refusé le rôle en déclarant ne pas vouloir être enchaîné à un Noir. En fait, il s'agit d'une méprise ayant alimenté une rumeur tenace : il aurait plus justement déclaré qu'il n'était pas crédible d'enchaîner un Blanc à un Noir dans ce Sud ségrégationniste, c'est donc certainement vrai, et Billy Wilder jamais avare d'anecdotes croustillantes, a renchéri ainsi : "Kramer proposa ensuite le rôle à Brando qui accepta à condition qu'on lui laisse jouer le Noir, puis à Kirk Douglas qui accepta à condition de jouer les 2 rôles", anecdote savoureuse rapportée ensuite par Douglas en personne.
Toujours est-il que ce sujet de chaîne reliant un Blanc et un Noir fut habilement éludé dans le film par un sheriff, ce qui fournit un drame puissant et humain.

Créée

le 7 mars 2017

Critique lue 1.2K fois

30 j'aime

14 commentaires

Ugly

Écrit par

Critique lue 1.2K fois

30
14

D'autres avis sur La Chaîne

La Chaîne
Morrinson
7

« Your white face shines out like a full moon! »

En lisant le pitch d'un tel film, on peut craindre principalement une chose : un traitement trop prévisible dans sa métaphore de l'opposition entre Blancs et Noirs. Mais ce serait sans compter sur la...

le 17 janv. 2016

22 j'aime

8

La Chaîne
ludovic-50
8

Chaîne antiracisme

Noah et John sont deux prisonniers qui vont être transférés vers une nouvelle prison mais en chemin leur fourgon est victime d'un accident. Profitant de cette situation, il décide de s'évader mais...

le 7 déc. 2019

9 j'aime

La Chaîne
JeanG55
8

The Defiant Ones

Stanley Kramer fut un cinéaste (réalisateur et producteur) indépendant ce qui lui permit d'aborder des sujets qui fâchent comme le racisme dans "Devine qui vient diner" (1967) et "La chaine" (1958)...

le 22 août 2022

8 j'aime

Du même critique

Il était une fois dans l'Ouest
Ugly
10

Le western opéra

Les premiers westerns de Sergio Leone furent accueillis avec dédain par la critique, qualifiés de "spaghetti" par les Américains, et le pire c'est qu'ils se révélèrent des triomphes commerciaux...

Par

le 6 avr. 2018

121 j'aime

96

Le Bon, la Brute et le Truand
Ugly
10

"Quand on tire, on raconte pas sa vie"

Grand fan de westerns, j'aime autant le western US et le western spaghetti de Sergio Leone surtout, et celui-ci me tient particulièrement à coeur. Dernier opus de la trilogie des "dollars", c'est...

Par

le 10 juin 2016

95 j'aime

59

Gladiator
Ugly
9

La Rome antique ressuscitée avec brio

On croyait le péplum enterré et désuet, voici l'éblouissante preuve du contraire avec un Ridley Scott inspiré qui renouvelle un genre ayant eu de beaux jours à Hollywood dans le passé. Il utilise les...

Par

le 4 déc. 2016

95 j'aime

45