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ATTENTION SPOILERS



Inutile de s’encombrer d’une énième critique de la politique de la firme aux longues oreilles qui, au lieu de se consacrer à des projets neufs et inédits, semble plus que jamais décidée à surexploiter la précieuse sève de ses plus beaux classiques en les réadaptant dans des versions fadasses et exemptes de la moindre once de magie épique de leurs illustres modèles ; mon estimé collègue et confrère disneyphile Walter-Mouse s’en est d’ores et déjà chargé depuis longtemps (je vous invite d'ailleurs à le lire ici et si ce n’est déjà fait).


Concentrons-nous plutôt sur ce qui va et ce qui ne va pas.



Tout l'monde chante, tout l'monde danse, oui Mam'selle, ça, c'est la France !



Parmi les idées, il y a du bon. Du très bon, même. Pour commencer, s’il ne retranscrit pas un seul instant l’ambiance sombre et effrayante du 30e classique d’animation, ce Beauty and the Beast mouture 2017 a le mérite de s’en affranchir en proposant sa propre patte esthétique, ce qui est tout à son honneur. Exit donc l’inquiétant château gothique et baroque sans cesse plongé dans l’obscurité et les statues de démons semblant prêtes à se jeter sur ses occupants, et place au rococo, aux perruques poudrées et au mobilier superbement ouvragé. On aimera ou pas, mais le choix des costumes d’époque est une nouveauté plutôt rafraîchissante. Et que dire de l’animation des objets ! J’avais peur en voyant les bandes annonces, mais force est d’admettre que les designers ont fait du super bon boulot. Des feuilles dorées de Lumière aux splendides ornements de Big Ben, en passant par la grâce de la volatile Plumette ou le clavier splendidement décoré du maestro Cadenza, le soin et les détails apportés à chaque création sont remarquables. Étonnement, on préférera profiter des prestations d’Ewan McGregor, Ian McKellen ou encore Stanley Tucci sous leurs aspects d'objets enchantés plutôt que sous leur forme humaine (il faut dire que les moustaches et les gueules enfarinées façon XVIIIème ne conviennent pas à tout le monde), fort heureusement, comme dans le dessin animé, cet instant ne dure pas longtemps.



Belle, c'est un mot qu'on dirait inventé pour elle



Puisqu’on parle de prestation, je n’ai pu m’empêcher d’esquisser un sourire de satisfaction en constatant qu’Emma Watson se montre à la hauteur de toutes les attentes. Certes, « il faut bien dire qu’ce nom lui va comme un gant, car sa beauté est sans pareille », mais force est de reconnaître que la jeune actrice Britannique incarne le personnage comme s’il avait été écrit pour elle, aussi bien au niveau du caractère que du charme. Au placard donc Léa Seydoux, Elle Fanning, Kristen Stewart et j’en passe… La reconstitution du petit village aux habitants étroits d'esprit s'en tire elle aussi plutôt bien, tant l'austérité qui s'en dégage donne encore plus envie de s'en évader et de vivre un conte de fées, à l'image de Belle qui n'aspire définitivement qu'à « vivre autre chose que cette vie ».


Côté musique, aucune surprise. Ceux qui comme votre serviteur vouent un culte à l'une des plus belles BO d'Alan Menken seront satisfaits mais pas transcendés, excepté peut-être lors de la fameuse séquence de Be Our Guest (C'est la Fête dans notre belle langue). Déjà un chef d'oeuvre parmi les chefs d'oeuvre au panthéon de l'animation et de la magie de Disney, ce passage sublime trouve ici une réinterprétation flamboyante, colorée et bluffante sur le plan visuel. C'est aussi la seule scène où la 3D se voit exploitée au delà du convenu, ce qui n'est point pour déplaire.


Dernier bon point : là où le dessin animé mettait l'accent sur le drame et les passages forts en émotion pour accélérer d'idylle entre notre intellectuelle et sa grosse peluche, le film prend d'avantage son temps, insistant sur l'état d'esprit de ses personnages et incluant quelques passages totalement absents de l'original, ce qui a pour double-effet de nous faire croire plus aisément à la complicité entre les deux protagonistes et faire tenir le film sur deux bonnes heures. Remplissage, quand tu nous tiens...


Parlons de ce qui coince, maintenant.


Je sais ce que vous allez me dire : on est chez Disney, c’est pour les enfants, leurs films ont toujours été doux, roses, pleins de guimauve, etc. NON. La Belle et la Bête est certainement l’un des Disney les plus sombres qui existent, et ce de bout en bout. Vous vous rappelez le prologue avec cette musique à faire s’hérisser les poils jusqu’aux sourcils ? Cette forêt lugubre infestée de loups féroces ? Ce château intimidant jusque dans ses poignées de porte ? Ou encore cette scène ultra-flippante ou la Bête se montrait dans son intégralité ? Croyez-le ou pas, ce Disney faisait PEUR. Même la mort du méchant (ici ridicule) impressionnait. Nombreux sont les gosses à avoir été marqués par chaque instant cité plus haut et bien d'autres encore, preuve que le dessin animé avait bel et bien été voulu en ce sens par ses créateurs. Pourriez-vous me citer un seul passage qui vous ait marqué de la sorte dans la version de Bill Condon ? Moi non plus.


Le plus grave, c’est que cela se voit au premier coup d’œil : la Bête n’effraie pas un seul instant (même la créature mi-Fauve mi-Chat Potté jouée par Vincent Cassel dans la version de Christophe Gans avait plus de peps, c’est vous dire), et que penser de cette scène rajoutée, gratuite et niaise au possible où le monstre se met à chanter sa détresse après le départ de Belle, là où sa version animée hurlait avec rage et passion avant de sombrer dans le désespoir le plus total ? En effet, ça se passe de commentaires. Et ce n'est même pas le pire



Personne chante comme Gaston, ne se plante comme Gaston...



Pour l’anecdote, je n’ai pu m’empêcher de penser aux mises en garde d’un ami qui, dès les premières images, résumait le problème dont il va être question par ces mots « Tu vas voir, à tous les coups c’est Belle qui va tuer Gaston ». Et bien Toto, t’es pas tombé loin de la vérité ! Oui, cela me coûte de le dire, mais ma plus grosse gêne a bel et bien été le personnage de Gaston. Outre le fait que son homologue animé fut un des antagonistes disneyens que j'appréciasse le plus, le personnage était censé apparaître dès le début comme un être viril, rustre, brutal et beauf ; certainement pas le dandy bellâtre, posé et propre sur lui que l'on a sous les yeux. Et puis qu'est-ce que c'est que ce traitement ??? On avait beau, en 1991, rire et se moquer de lui lors de ses premières scènes, on ne pouvait qu'éprouver du mépris et du dégoût en le voyant faire interner le père de Belle pour contraindre celle-ci à l’épouser. Sans parler de sa façon de railler la Bête avec violence pendant l'affrontement final... ce type était peut-être amusant de prime abord, mais il se révélait ODIEUX et menaçant à la fin bordel !


A aucun moment je n’ai retrouvé cette méchanceté ni cette hargne chez Luke Evans. Tout au plus passons-nous sans prévenir d’un minet efféminé, sournois, coquet et un peu loser qui se prend vent sur vent avec son crush du moment malgré ses tentatives de séduction maladroites, quoique non-exemptes de courtoisie (Gaston courtois… HUM HUM), à un type pas net, gratuitement psychotique et lâche, qui au lieu de profiter de la naïveté de son entourage pour arriver à ses fins, s'en sert au contraire pour sauver ses fesses... Autre détail, Gaston animé était aussi charismatique que détestable, ce qui en faisait un peu le héros de son village, et son physique intimidant ne manquait pas d'imposer le respect. Ici c'est à peine si tout le monde, hommes comme femmes, ne semble pas vouloir lui passer dessus, en particulier son compère La Folle – pardon, LeFou – qui semble faire tout son possible pour qu'on remarque le grand benêt (et surtout QU'IL le remarque) sans que ce dernier ne lui demande rien.


Et surtout, SURTOUT, pouvez-vous m'expliquer quel était l’intérêt de choisir un acteur qui ne possède ni le coffre ni le timbre du chasseur ??!? Même le jeune interprète Français de la comédie musicale, Alexis Loizon (qui joue d'ailleurs ici un rôle mineur) était bien plus convaincant. C'est peut-être sympa à regarder, mais on ne compense certainement pas l'absence de prestance d'un personnage - encore moins lorsque celle-ci était assurée à 50% par sa voix - par des chorégraphies et des pirouettes ! Au final, seul Josh Gad (LeFou) s'en sort bien lors de la chanson éponyme (ma préférée, en plus !) qui s'avère gâchée par le simple fait que sa vedette ne fait montre d'aucune prouesse vocale. Quel comble !


Vous penserez peut-être que j'insiste trop sur ce point, mais il entraîne un peu tout le reste : ce film est beaucoup trop gentil, beaucoup trop mignon. A aucun moment on ne frissonne lors des scènes autrefois palpitantes (l'attaque des loups est une rigolade, sans parler du combat final), on ne se prend jamais d'empathie et de pitié pour le personnage de Maurice qui s'en prend pourtant plein la gueule (Kevin Kline est complètement à côté de la plaque, lui sur qui je misais le plus), LeFou finit par passer du côté des gentils alors qu'on le croyait aussi bête et méchant que son modèle, et bon sang de bois, qu'est-ce que c'est que cette mendiante-enchanteresse mal fagotée qui vit recluse au fin fond des bois et attend que le dernier pétale de la rose ne tombe pour rompre le charme ?!? Tiens, c'est bien beau aussi de faire se transformer totalement les serviteurs en objets à la dernière minute, mais comment voulez-vous que le drame fonctionne quand on connait la fin depuis des années ? Bref, une scène totalement WTF et vaine, sans parler de la transformation du Prince, à des kilomètres de la splendide séquence de morphing animée qui n'a à ce jour toujours pas pris une ride.



CONCLUSION



Si l'on fredonnera encore l'air et les paroles d'Histoire Eternelle en sortant de la salle, on regrettera amèrement que l'adaptation de chair et d'os de l'un de nos classiques préférés ne soit guère plus qu'un ramassis de mignonnerie-tout-plein-tout-sage-tout-gentil, même pas bon à faire frémir les plus jeunes têtes blondes d'aujourd'hui.


Dieu merci de m'avoir fait naître au tout début des années 90.

reastweent
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le 24 mars 2017

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reastweent

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