Le taiwanais Tsui Hark a réussi sa propre réunification à la Chine populaire (il est hong-kongais). Il le prouve par cette monumentale fresque à la gloire de l’Armée de Libération Populaire de la grande Chine, qui magnifie la geste épique de la poignée de soldats de l’armée régulière communiste qui parvint, au cœur de l’hiver 1947, à vaincre Hawk, un tout-puissant seigneur de la guerre retranché dans son inexpugnable nid d’aigle. A cœur vaillant, rien d’impossible.
Il recycle les codes habituels des films de cape et d’épée chinois ; le wu xia pian, genre dans lequel il a particulièrement brillé avec The blade, La Légende de Fu ou Seven swords ; en les adaptant à ceux d’un film de commandos. S’il conserve une magnifique attaque de cavalerie du village ami, un vibrant hommage aux Sept samouraïs, il troque les combats, très chorégraphiés, de sabre ou d’arts martiaux, pour le sniping, le tir au mortier et le jet de grenade. Conformément à la tradition, le scénario est d’une extrême complexité : le traitre sera trahi, le piège éventé et piégé, la sape contre-sapée. Ceux qui auraient du mal à suivre les interminables exposés stratégiques pourront se reporter aux codes visuels d’un rare manichéisme : les soldats en tenue réglementaire, beaux, souriants, généreux, soucieux de protéger la veuve et ses orphelins, loyaux à leur charismatique capitaine, sont les “bons“. Les laids et égoïstes, scarifiées et boutonneux, sybarites et vénaux, soumis par la seule peur à l’autorité tyrannique du tyran sont “méchants“. Ce point admis, la lecture du film s’en trouve considérablement simplifiée et évoque un très classique Quand les aigles attaquent.
Le capitaine 203 (Gengxin Lin) ne dispose que de trente soldats à opposer au millier surarmé de lord Hawk. Avec réticence, il accepte la proposition de son commissaire politique, le fascinant Yang Zirong (Zhang Hanyu), qui lui propose de s’infiltrer dans les bonnes grâces des bandits. Yang revêt l’identité du prisonnier Hu, capte la confiance de Hawk (Tony Leung Ka-fai) qui le surnomme Bo 9. Le dit Bo 9 transmettra à 203 un plan d’attaque… Les décors naturels sont somptueux. Le film bénéficie d’une distribution pléthorique, mais de qualité. Petite réserve, les effets spéciaux accusent dix ans de retard sur les productions occidentales. Les ambitieuses séquences du tigre et du combat aérien souffrent d’une animation brouillonne.
Dans une dernière pirouette, Tsui Hark propose une fin alternative qui exaspère l’aspect mythique de l’épopée guerrière. La scène ultime appelle les jeunes spectateurs à respecter leurs grands-parents. Ce n’est que justice.
Revu en 2017