Le fait d'être passé chez Netflix et d'avoir tourné ce qui aurait dû être à l'origine une mini-série en six épisodes, d'une longueur très variable, avec chacun une histoire indépendante l'une de l'autre, n'a en rien changé le style des fameux frères. Six histoires, six sketchs, tous westerniens se déroulant à l'époque de Far West, tous d'un cynisme incomparable, mais bien évidemment à la sauce décalé des Coen, six contes cruels... Avant de dire mon opinion sur chacun des sketchs en particulier et dans l'ordre chronologique, tous, excepté le dernier, sont visuellement superbes. Les deux frangins filment une nature absolument magnifique avec un talent magistral...


The Ballad of Buster Scruggs :


Buster Scruggs est un cowboy insouciant habillé entièrement en blanc, qui chante sans arrêt, et qui forme un duo amusant avec son cheval. Sauf que sous cette apparence bienveillante, Buster est une très fine gâchette et qu'il n'hésite pas à le faire savoir de la manière la plus brutale qui soit...


Un sketch qui repose sur pas grand-chose, si ce n'est qu'ici on a affaire au frères Coen dans leur veine cartoonesque, du genre Raising Arizona ou O Brother Where Art Thou?. L'ensemble se regarde comme une agréable mise en bouche, mais heureusement que cela ne dure pas plus longtemps, car le pas grand-chose n'est pas une bonne matière pour s'étendre.


Near Algodones :


Un bandit foire complètement un braquage de banque et se retrouve, au sens le plus propre du terme, la corde autour du cou...


Un sketch très court pour le coup et sur pas grand-chose, là encore, où on se demande après l'avoir vu "Et ?...". Et puis, on réfléchit un peu et on se dit qu'en fait la vie consiste à se poser sans arrêt cette question, "Et ?...".


Meal Ticket


Un imprésario voyage avec et exploite un jeune homme sans bras ni jambes. Celui-ci récite devant un public de plus en plus réduit l'histoire d'Abel et de Caïn ou encore le discours de Lincoln à Gettysburg...


Si on excepte le jeune acteur lors des représentations, il n'y a presque aucun dialogue dans ce sketch. Là, on atteint peut-être un sommet d'humour noir très noir pour un ensemble qui n'a nullement peur d'être dérangeant.


All Gold Canyon


Un vieux chercheur d'or cherche et cherche sans arrêt du précieux métal jaune dans un ruisseau en contrebas d'une vallée montagneuse, sans grand succès jusqu'à...


Mon préféré après le sketch suivant. On a beaucoup d'empathie pour ce vieux chercheur d'or (Tom Waits est excellent !). La caméra capte à merveille les efforts et la patience dans sa recherche désespérée de la richesse ainsi que son contact respectueux avec la nature environnante. La violence ne manque pas d'apparaître là aussi d'une manière brutale et surprenante.


The Gal Who Got Rattled


Une jeune femme, accompagné de son frère, homme d'affaires complètement incompétent, fait partie d'un convoi de chariots se dirigeant vers l'Oregon. Le frangin ne tarde pas à casser sa pipe, ce qui fait que sa sœur se retrouve seule, et devant une lourde dette à la personne qui s'occupe de leur chariot. Un des deux meneurs du convoi pris de pitié par la détresse de la donzelle, et aussi loin d'être insensible à son charme, décide de l'aider...


Le gros morceau, le meilleur et le plus prenant sketch de l'ensemble. Là on respire le plus car on voit vraiment les paysages du Far-West dans toute leur immensité. Tout d'abord, après n'avoir pour ainsi dire vu que des figures masculines jusque-là, on se dit enfin une personnage féminin qui a son importance. Ensuite, il faut bien avouer que Zoe Kazan est mimi comme tout et joue parfaitement la jeune fille naïve et attachante confrontée à un monde particulièrement impitoyable. Là aussi, la violence va apparaître d'une manière brutale, mais elle va se permettre, en plus, ici d'être encore plus surprenante et choquante que d'habitude...


The Mortal Remains


Cinq personnes sont dans une diligence semblant traverser sans fin un Far-West fantasmagorique. Mais l'intérieur de la diligence semble, peu à peu, aussi virer à la fantasmagorie...


Le problème des films à sketchs, c'est que quelque part il y a toujours un gros maillon faible, qui se distingue dans le sens le plus négatif du terme des autres. Les frères Coen s'inspire de Quentin Tarantino, pour l'aspect très bavard dans une diligence, et de Tim Burton, pour l'aspect décors qui semblent fantastiques. Reste que l'on s'ennuie un brin car les deux frangins sont meilleurs que quand ils sont réellement eux-mêmes. Ils ne sont absolument pas fait pour filmer des plages de dialogues interminables, d'autant plus qu'on a la nette impression que tout cela tourne à vide. De plus, l'esthétisme qui se veut burtonien est assez laid pour le coup. En outre, on ne ressent aucun intérêt pour les personnages non plus, au contraire des sketchs précédents. Seule toute la fin, surprenante et bien imaginée, éveille l'intérêt du spectateur.

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le 18 nov. 2018

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Plume231

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