Le voilà donc, l'objet du délit! Ce film qui, bien aidé par la plume redoutable de la journaliste Pauline Kael, fait passer Eastwood de héros de l'ouest à jeune con violent, réac et même carrément facho. Car oui, ce film est un film fasciste réalisé par un fasciste (Don Siegel) et dont le personnage est un fasciste.
N'en doutons pas puisque qu'elle va brillamment le démontrer toute auréolée de sa renommée naissante. Et merde, et moi qui aime et le film et Clint, dois-je me poser la question de savoir si, au fond de moi, n'est pas enfouie une idéologie nauséabonde et peu avouable?

Bon un peu de sérieux. J'en ai plein l'arrière train de ces gens qui voient (ou du moins qui croient voir) des relents fascisants et racistes à toutes les sauces (chez Tolkien, chez Snyder......). Donnez moi n'importe quel film et même moi je suis à peu près certain de pouvoir trouver un angle d'attaque pour dire qu'une scène, qu'une réplique, qu'un geste est raciste. Y'en a marre!!!!!

Il faut replacer ce film dans son contexte, un contexte qui n'est pas propice à la mesure. Nixon est au pouvoir et le cinéma assiste au début du nouvel Hollywood. Alors que "L'inspecteur Harry" est aussi, à sa façon, un film contestataire (mais lui même à contre courant du nouvel hollywood) il sera détourné et présenté comme pro Nixon! Et comme il est de très bon ton de foutre sur la gueule à Eastwood et de le confondre avec ses personnages (merci à l'intelligentsia journalistique) on ne s'en prive pas! Petit exemple, je n'ai pas souvenir (vous allez me dire que je n'étais pas né, et c'est vrai, mais je me renseigne) qu' un Robert De Niro ait été, 4 ans plus tard, aussi cloué au pilori pour son personnage de Travis Bickle (auprès duquel, pourtant, Dirty Harry fait pourtant pâle figure)!

Alors oui, Harry est borderline, violent, grossier, imprévisible. D'un autre côté, on se retrouve ici, sous l'influence des" vigilantes movies", et on ne va pas se battre à coup de bouquet de roses! Oui, c'est un film basique, où il n'est pas nécessaire de vouloir y trouver forcément un message politique (on a plus le droit de faire un film juste pour divertir!), où on sait bien que Harry, et bien, il faut pas le faire chier (même si il ne tire jamais le premier), un film où tout le monde en prend pour son grade ("Harry hates everybody: limeys, micks, hebes, dagos, niggers, honkies, chinks", mais le tout agrémenté d'un petit clin d'oeil, histoire de montrer que Callahan n'est pas dupe de jouer un rôle qui finalement arrange tout le monde ), mais aussi les flics, l'administration et son hypocrisie. Bref on sait ce que l'on va voir, on y va pour ça, donc pas la peine de venir pleurer ensuite!

Mais le personnage d'Harry est également un peu plus complexe que ça. C'est un personnage perdu, qui ère dans la ville (ce San Fransisco, un vrai labyrinthe et pratiquement un des personnage du film) depuis la mort accidentelle de sa femme. Un solitaire qui n'a plus personne à qui se raccrocher et qui ne sait même plus pourquoi il continue ce boulot de flic (par habitude et sans doute parce qu'il ne sait rien faire d'autre). Un personnage qui a du mal à contenir sa part sombre mais qui y arrive. Un personnage qui va se retrouver opposé à son double maléfique!!!
Car oui, Scorpio est Callahan! Dirty Harry à ici sa propre image dans la glace, l'image de ce qu'il serait si il se laissait aller à ces penchants de violence. Sa haine envers Scorpio (et donc envers une partie de lui même, en quelque sorte) atteint son point culminant dans la fameuse scène de torture au milieu du stade. Et il est d'ailleurs malheureux de constater que Kael ne devait pas être si futée que ça. En effet, par un mouvement de caméra Siegel montre clairement qu'il ne cautionne pas l'acte de son personnage et qu'il s'en désolidarise (et ne peut donc être taxé de complaisance "faciste"). Les deux hommes sont face à face, Scorpio blessé par la balle de Harry est inoffensif et apeuré, Harry submergé par la haine (qui marque son visage) et on est bien incapable de dire quel est le plus mauvais des deux! Puis au moment, ou Harry commence la torture, la caméra s'éloigne des protagonistes pour quitter le stade et arriver dans la brume du ciel où on ne peut plus distinguer ce qui se passe en bas.

Bon, je vais stopper là, histoire de pas saouler tout le monde! Un dernier mot tout de même sur la sublime bande originale de Maître Lalo Schifrin (ne serait-ce que pour la scène d'entrée). Une tuerie!!!!!

Pour conclure, vous avez le droit de ne pas aimer le film, de dire que c'est vulgaire, bourrin et dénué de toute subtilité, mais bordel arrêtez d'y voir du fascisme!!!! Merci.



C'est donc avec cette critique du premier épisode (logique étrange), que j'achève mon grand chelem Harryesque. Merci à ceux qui ont eu le courage de me lire!

Créée

le 8 mai 2013

Modifiée

le 8 mai 2013

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Kowalski

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