Dans un Japon anticipé, les chiens sont accusés d’être des vecteurs de maladies, et sont déportés en masse sur Trash Island. Tandis que le maire de Megasaki prépare une terrible solution finale pour régler la question, son neveu, aidé par une bande de "mâles alphas", part à la recherche de Spots, son chien garde du corps.
Wes Anderson nous propose avec son Ile aux Chiens une réflexion assez transparente mais intelligente sur la Shoah, ainsi que la manipulation des masses —le maire Kobayashi crée de toutes pièces les maladies canines— et le glissement vers l’autoritarisme —répression de l’opposition, assassinat, ré-élection sur des scores soviétiques…—, le tout dans une fable animée qui s’adresse à tous les âges. Il présente notamment la science, i.e. la raison, comme rempart à la haine. Cela ne l’empêche pas de finir sur une note cynique, un extrême remplaçant l’autre.
Le film est très efficace pour humaniser les chiens, qu’en temps qu’humains nous avons naturellement tendance à considérer comme inférieurs. Mais leur intellect est similaire au nôtre, sauf que nous parlons, très littéralement, des langues différentes. Encore une fois, on retrouve l’idée que l’on a peur de ce qu’on ne comprend pas. Cela marche tellement bien qu’on est extrêmement mal à l’aise quand on voit la préparation de sushis et la découpe d’autres êtres vivants. Le sauvage n’est pas celui que l’on croit.
Évidemment, on retrouve la patte caractéristique de Wes Anderson —que personnellement j’aime beaucoup— : des plans larges et fixes, des travellings, une action qui se déroule presque en 2D et surtout une géométrie implacable dans la composition de l’image. De plus l’animation, et le contrôle absolu qu’elle permet, pousse ces caractéristiques à leur paroxysme. D’où une question : Wes Anderson tombe-t-il dans l’autocaricature ? C’est sujet à débat, mais j’aurais tendance à penser que oui. Du moins, c’est la première fois que sa réalisation me sort du film aussi souvent, tellement elle semble gratuite et maniérée, peu naturelle.
Bref, L’Ile aux Chiens est une fable animée drôle et intelligente pour les 7 à 77 ans, qui vaut définitivement le détour. Malheureusement, le film montre également les limites du style Anderson, et pourra en rebuter certains.
If animals could speak, the dog would be a blundering outspoken fellow — Mark Twain