L.I.E est probablement le seul film avec Mysterious skin à aborder de manière pertinente le thème de la pédophilie. Sur ce sujet hautement casse gueule, le film évite tous les pièges, ne cherche pas à porter un regard moralisateur ni distancié. Ce n'est traité ni avec un sérieux plombant ni à la légère. Ni sordide ni comique.
Big john n'est pas montré comme un monstre ni comme quelqu'un de recommandable, juste un humain avec ses faiblesses condamnables sans occulter l'aide qu'il va apporter à Howie. Un personnage sur lequel ni le scénario ni la mise en scène ne porte de jugement. La mort finale du personnage pourrait être vue comme une faiblesse d'écriture un brin moralisatrice: il est coupable donc il est puni. Aucune punition divine là dessous, juste un banal drame amoureux, son jeune amant Scott ne supportant pas d'avoir été délaissé, même si le lieu où il est tué(une aire d'autoroute où prostituent des jeunes mecs mineurs) a un côté "il est puni par là où il a péché".


La pédophilie n'est d'ailleurs pas le sujet central du film, ça serait plutôt la solitude et le sentiment d'abandon dont souffre Howie. Celui-ci a perdu sa mère, son ami Gary, dont il est amoureux, l'abandonne et quitte la région et son père le délaisse et disparaît (en réalité il est mis en prison pour une sombre histoire d'escroquerie dans le bâtiment). La performance incroyable de Paul Dano qui est d'une justesse dingue retranscrit à merveille la fragilité de ce personnage un peu perdu et confus sur sa sexualité : attiré par son ami Gary, meurtri par son abandon il se laisse approcher par Big John.
Le pari du film et sa prise de risque est de faire de Big John une figure paternelle de substitution pour Howie. Leur relation est d'abord celle de la prédation pédophile : Big John reniflant comme un loup la poche de jean arrachée d'Howie pour le retrouver. Puis il propose clairement de rembourser sa dette en se laissant sucer.
Mais finalement Big John va s'attacher à ce gamin sans doute parce qu'il se rend compte que ce n'est pas qu'une petite frappe ou un prostitué de plus. Howie est sensible et paumé et ils ont une affinité culturelle : ils se parlent en français, récitent des poèmes, connaissent les répliques des classiques comme Casablanca.
Ainsi leur relation devient amicale et même filiale Big Johns muant en père de substitution. Il est aussi un protecteur : il l'héberge et surtout il vient le libérer du commissariat où est arrêté Howie avec ses amis pour cambriolage des maisons du quartier. C'est également un mentor : il lui apprend à conduire mais surtout il va l'aider à passer à l'age adulte : la scène où Big John rase Howie Symbolise une sorte de rite de passage.
Brian Cox incarne à merveille l’ambiguïté du personnage, le spectateur finit par ne plus savoir s'il veut être un père pour Howie ou coucher avec lui. Cela est cristalisé dans la scène où Howie est recueilli chez Big John : le jeune homme abandonné de tous sauf lui se rapproche de lui, l'étreint et est prêt à lui céder sexuellement mais Big John au lieu de profiter de la situation lui apprend que son père n'a pas disparu mais qu'il est en prison, ce qui fait qu'Howie se ressaisit. Ainsi l'intérêt de Big John pour Howie ne devient plus sexuel même s'il ne renonce pas pour autant à ses penchants pédophiles mais en les dirigeant vers d'autres proies.

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le 5 mai 2020

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thobias

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