J'ai un petit problème avec ce film : sur le papier, je trouve l'idée fantastique. Voir un homme souffrant et compatissant face aux horreurs du monde a beaucoup de potentiel, et encore plus quand cet homme est un policier tel que Pharaon. En plus, ça me rappelle l'observateur muet du Décalogue de Kieslowski, avec ses magnifiques yeux bleus.
Néanmoins, j'ignore si c'est de ma faute, mais j'ai eu l'impression que L'humanité partait dans une toute autre direction. En fait, j'ai cru que le film développait une ambiguïté autour de Pharaon, qui avait une part sombre qui allait peu à peu se révéler, que ce soit lui le tueur ou non. Plusieurs plans m'ont conforté dans cette idée, notamment sa façon de suivre les deux petites filles ou son regard nerveux lorsqu'il interroge les deux témoins anglophones. Peut-être aussi que j'ai été influencé par La vie de Jésus, Twentynine Palms et France, dans lesquels on prend en empathie un personnage principal moralement douteux. Mais en fait non, Pharaon reste bon jusqu'à la fin, comme le montre ce fameux baiser que je trouve un peu trop théorique (le personnage me semble trop terre-à-terre / asexuel pour un tel baiser, un câlin aurait pu suffire).
Et c'est là que j'ai un problème : le film évolue très peu car son personnage reste plus ou moins le même tout du long. Dès lors, je trouve les 2h30 un peu inutiles, non pas que les scènes soient trop longues mais qu'elles se répètent un peu. Je trouve qu'il y a une certaine complaisance envers l'acteur principal qui, malgré son regard magnifique et son jeu vraiment marquant, ne suffit pas à tenir la durée. Le travail sur le cadre me dérange aussi un peu, bien plus poseur que dans La vie de Jésus, avec des références picturales un peu trop visibles.
L'interview de Dumont dans le Blu-ray m'interroge encore plus. Pour Dumont, le Pharaon confond son amour de l'humanité avec une sorte de désir sexuel pour elle ; je trouve cette vision étrange, car elle sous-entendrait que le personnage donne du plaisir à ses rencontres par compassion (?) ou quelque chose du genre. Or, il agit bien plus en prédateur égoïste avec ce baiser forcé et ce reniflement d'un détenu. Mais ce n'est pas non plus un cynique qui se délecte des malheurs du monde. Bref, je ne sais pas trop quoi penser de tout ça... Apparemment, le film devait se terminer sur une scène de sexe entre les deux personnages principaux, mais je ne sais pas non plus quoi en penser. D'un côté ça aurait nuit à la pureté de l'ensemble, mais de l'autre Pharaon aurait sans doute gagné en... humanité.
Sinon, le film est assez réussi, les scènes fonctionnent individuellement et sont touchantes, l'acteur est une belle trouvaille. Mais je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il ne marche pas tant que ça, et qu'il aurait gagné à aller dans une toute autre direction, peut-être plus pessimiste mais aussi plus prenante...