Revoir en salle L’HOMME TRANQUILLE de Ford sur grand écran dans le cadre d’une soirée spéciale au cinéma les 400 coups d’Angers reste un grand moment. Film que je voyais pour la deuxième fois mardi soir dernier et dans une belle copie restaurée (ce qui n’était pas le cas avec ma première vision par le biais du dvd des éditions Montparnasse).
Ce qui frappe en premier lieu c’est le vert, la verdure de la campagne irlandaise : couleur dominante de ce beau pays. Et puis il y a ce plan admirable du début : lorsque Wayne découvre Maureen O’Hara courant à travers la lande avec ses moutons : Wayne l’observant à travers les arbres, sa calèche arrêtée à l’arrière plan…
Le reste du film est une immersion dans les us et coutumes d’un autre temps : Ford sait y filmer la communauté, les liens amicaux, les rivalités avec un sens inné de ce qu’est la camaraderie mais aussi de ce qu’implique le retour aux origines, les blessures du passé qu’il faut oublier. Découvrir aussi par exemple un Ward Bond très juste dans ce rôle de prêtre (jeu d’acteur de Bond parfois moqué et de manière injuste par Ford comme le rappelaient certains passages rapportés par McBride dans la biographie sortie à l’Institut Lumière).
Ford filme l’histoire d’amour sans pathos, usant à maintes reprises d’humour via le personnage de Barry Fitzgerald. C’est peut-être là qu’on peut faire tout de même le reproche à Ford : l’évacuation du pathos aboutit parfois, et à l'opposé, à une certaine lourdeur des scènes comiques; l’émotion s’évacuant à certains moments et notamment à la fin. La scène de bagarre par exemple, si elle est amusante et très fordienne (un de ses péchés mignons finalement) paraît au final bien longue : comme si Ford en grand enfant qu’il était ne pouvait s’empêcher d’en rajouter un peu trop dans cette veine machiste qu’on lui connaît. Pour le reste le film reste inoubliable et Wayne crédible en boxeur déchu revenu aux sources familiales…
Petite question subsidiaire sur les couleurs bleu blanc rouge de la tenue de Maureen O’Hara au début : référence « républicaine » ou volonté plus purement visuelle ? (je ne me souviens pas avoir lu quelque chose à ce sujet…).
Après le film, l’intervention d’un irlandais vivant en France (et dans un français impeccable) nous a permis d’apprendre ce qu’étaient devenus les lieux de tournage de 1952 : on ne sera pas surpris que l’urbanisation y a fait son oeuvre et quelques pubs ou maisons y sont encore identifiables (la maison qu’achète Wayne a elle aussi été détruite). L’ouest du pays révèle encore quelques petits villages sauvegardés où le tourisme pour gens aisés fleurit malheureusement souvent. Pour l’anecdote : la pinte qui est à 6 euros aujourd’hui n’était dans ces petits bleds irlandais que d’1,50 euros il y a 15-20 ans ! L’intervenant nous apprenant également que la tradition de la dot des jeunes filles a perduré jusqu’au milieu des années 60 avant de se perdre totalement…
La soirée s’est terminée avec gaieté entre envies de découvrir l’Irlande et propositions de prendre une bonne Guiness dans un bon pub de la ville. Ford grâce à son film, son ambiance et ses chansons avait fait son effet sur l'auditoire. Ford ou quand la cinéphilie devient bien vivante…