Nos cauchemars, c'est notre âme qui balaye devant sa porte



  • Pourquoi pas ?

  • Je ne suis pas un tueur.

  • Ne faites pas l'idiot ! Vous...

  • D'autres part, je n'ai rien contre ces hommes. Qui sont-ils ?

  • Bridges et ses cousins travaillaient pour la Compagnie. Des fauteurs de troubles ! Comme les trois gars que vous avez tués hier. Aidez-nous à résoudre nos problèmes.

  • Ayez donc un peu de cran. Vous n'avez pas besoin de moi.

  • Et si vous vous en chargiez ? Dites votre prix.

  • Rien ne m'attache à cette ville.

  • C'est pourtant une ville de chrétiens.

  • Si vous les aimez, sauvez-les.

  • Vous aurez tout ce que vous voudrez !

  • Tout ?



Avec L'Homme des hautes plaines Clint Eastwood réalise son premier western d'une manière très particulière en conférant à son oeuvre des influences horrifiques, apportant un contraste atmosphérique obsessionnel et inquiétant, conférant une sensation d'étrangeté et de hantise au récit. Une proposition bienvenue qui contraste rapidement avec la vision de Sergio Leone lui permettant de s'émanciper du maître du genre, sauf que malgré tout, à mon grand étonnement, cela n'empêche pas cette oeuvre de souffrir de comparaison avec celui-ci. En tant que cinéaste pour ce premier western, Clint Eastwood fait preuve de minimalisme tout en assurant le spectacle dans un style de réalisation solide et sans fioriture, où les mots ont peu de place, assurant avant tout le spectacle à travers l'image.


On peut dire qu'avec ce long-métrage Clint ne fait pas dans la dentelle, puisque d'emblée de jeu, en à peine 15 minutes on a droit à l'exécution violente de trois hommes, dont un viol plutôt graphique avec une caméra qui jamais ne se détourne de l'image. Un western ultra-violent avec des séquences de tuerie au fouet particulièrement agressif et déchaîné, emporté par des scènes de fusillades de bonnes qualités. Ce que l'on retient particulièrement dès la première séquence avec la longue remontée de la petite ville à cheval par Clint, c'est son contraste incroyablement atmosphérique qui jamais ne quittera le récit. La musique de Dee Barton est autant étrange qu'inquiétante, elle parvient à donner une identité musicale surnaturelle avec une simple note correspondant à une complainte d'épouvante lointaine surgissant d'outre-tombe.


Bien que limité en matière de décors, la petite ville de Lago tourné dans les environs de Mono Lake, dans la partie de la Sierra Nevada qui traverse la Californie, près du parc national de Yosemite, parvient à rendre un cadre fascinant d'isolement rendu possible grace à une photographie particulièrement efficace. Une petite ville qui au milieu du désert s'apparente à un cadre idyllique avec une forte propension à la critique de ses habitants, qui sont loin d'être aussi inoffensif qu'ils en ont l'air. Une bande de lâches, cupide et froussard, voulant absolument engagé et à n'importe quel prix un étranger habile du colt, pour se débarrasser de trois tueurs libérés de prison ayant un compte à régler avec les habitants de Lago. Un coup du sort favorisant l'étranger, profitant de cette proposition alléchante pour martyriser les habitants de Lago, avec qui il a justement un compte à régler, au même titre que les trois assassins ayant torturé à coups de fouet un homme, devant les regards incrédules et fuyants des habitants.


Clint dans le rôle de " L'Étranger ", hisse de nouveau la carte de " l'homme sans nom ", avec un cigarillo en bouche, un regard plissé transperçant les âmes, mais dans une conduite bien différente puisqu'il incarne un homme bien plus extrême, cinglant, cynique et impitoyable. Un comportement aigre et antipathique qui pourrait faire croire que L'Étranger est un homme mauvais, seulement, une scène intelligente prouve qu'il n'est malveillant qu'à l'égard des habitants hypocrites de Lago, puisqu'on peut le voir offrir un tas de couverture à un vieillard et pauvre Indien, ainsi que deux bocaux de sucreries aux deux petits-enfants de celui-ci (en même temps, ce n'est pas lui qui paye). Clint Eastwood incarne brillamment ce personnage énigmatique et infaillible, exaltant la figure de l'homme qui se fait justice lui-même. Une bête noire faisant augure de mauvais rêve et d'hallucination via le spectre de peur et de songe qu'il dégage.


Du reste de la distribution je retiens en particulier le personnage de Mordecai incarné par Billy Curtis, qui offre une pointe de couleur, qui étonne et réjoui par ses excès. Mordecai apporte un peu d'humanité à ce western déshumanisé au même titre que la comédienne Verna Bloom, qui dans le rôle de Sarah Belding l'épouse d'un homme qu'elle déteste avec le reste des habitants bourgeois de Lago, amène la vraie raison du crime horrible qui hante la petite ville, et du pourquoi personne n'est intervenue. Le reste des participants s'apparente avant tout à un joli lot de raclure arriviste, avec des personnages comme : Callie Travers ( Marianna Hill ) la femme violée par l'étranger qui semble-t-il à voulu que cela arrive, Stacey Bridges ( Geoffrey Lewis ) le chef des trois assassins, l'incompétent et trouillard shérif Sam Shaw ( Walt Barnes )...


Il n'y a que deux points que je trouve un peu malvenu :
- Le premier : la mort du premier des trois assassins.
L'un des frères se fait happer par le fouet utilisé par Clint hors du saloon et le gars se fait tuer à petit feu, il hurle, et hurle de douleur et ni son cousin, ni son frère ne vient le secourir. Ils sont comme deux idiots, entrain de tendre leurs oreilles pour écouter ce qui se passe au lieu d'intervenir, ce n'est pas comme s'ils n'étaient pas armés. Bien que je trouve la séquence superbement réalisée, l'attitude du cousin et du frère me paraît totalement impensable.
- Le deuxième : la révélation finale sur l'identité de l'étranger.
Je serais moins cassant avec ce point car la version originale s'avère bien plus nuancée que la version française. Dans la version française Clint dit précisément être le frère de celui exécuté par les trois assassins, alors que dans la version originale il se contente de dire simplement à Mordecai " Tu le sais ". Certes on n'est pas né de la dernière pluie, mais voilà j'aurais tout simplement préféré que Clint ne réponde pas à la question de Mordecai se contentant de lui sourire et de partir vers le soleil couchant, cela aurait apporté encore plus d'étrangeté et de hantise au film.


CONCLUSION :


L'Homme des hautes plaines en tant que premier western réalisé par Clint Eastwood, s'avère être une pièce de choix ayant des petites allures d'un Sergio Leone ( dans la composition du personnage principal ) sans pour autant en être une copie puisqu'il s'émancipe énormément autant dans la forme que le fond de la structure de celui-ci. Il s'agit d'un conte noir atmosphérique explorant la moralité ambiguë des gens et le concept de justice sauvage via la vengeance. Pour un premier western on trouve un travail de mise en scène efficace, des images obsédantes, un scénario certes un peu déjà vu mais qui fait bien le café, et une distribution à la hauteur, une réunion de plusieurs éléments toutes favorables à l'élaboration d'un excellent western.


Oeil pour oeil fouet pour fouet !

B_Jérémy
9
Écrit par

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le 15 août 2020

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