Si je vous dis "L’homme de Rio", ça évoque quoi pour vous ? Belmondo, bien sûr ! Bébel : aaaah Bébel… Assurément, voilà notre Bébel national dans un rôle taillé sur mesure offert par un certain Philippe de Broca qui, au cours de sa deuxième collaboration avec l’acteur (il y en aura cinq en tout), obtiendra là son plus grand succès en salles.
Il faut dire que Bébel est jeune, en pleine forme et ça se voit. Outre son apparence encore un tantinet juvénile, il n’y a qu’à le voir évoluer : plein de fougue, il marche d’un bon pas, fonce tête baissée dans l’action, et tout cela grâce à la relative insouciance de la jeunesse ; du Bébel pur et dur, comme on l’aime, en pleine possession de ses aptitudes physiques, littéralement bondissant, lui qui faisait lui-même toutes ses cascades.
Mais ça évoque aussi une époque où le cinéma français se portait à merveille, un cinéma français qui osait du divertissement avec de l’aventure et du dépaysement, non sans humour, ici avec une influence apportée par les bandes dessinées d’Hergé (c’est-à-dire Tintin). On saura plus tard que Steven Splielberg en personne s’inspirera de "L’homme de Rio" pour concevoir son premier Indiana Jones, à savoir "Les aventures de l’arche perdue".
En attendant, le spectateur est mis tout de suite dans l’ambiance (brésilienne, dois-je le préciser) par un générique très coloré sous un air de samba. L’histoire débute pourtant à Paris pour une implantation efficace de l’histoire, mais pas seulement. Le genre se trouve lui aussi bien lancé, car le scénario ne s’étale pas dans les détails en allant directement à l’essentiel, ce qui a pour avantage de donner tout de suite du rythme au déroulé de l’histoire. Même un petit vieux à l'aéroport ne va pas être déçu du voyage, aussi court soit-il !
Une certaine nostalgie peut se dégager en voyant ou revoyant ce film, pourtant plombé par des scènes pas vraiment bien faites (on voit bien que ce sont des pétards simulant les impacts de balles quand Adrien se fait tirer dessus au lieu de rendez-vous), ou des erreurs scénaristiques (une portière de voiture ouverte sur un plan, fermée sur le plan suivant, véhicule bizarrement laissé de côté par le héros perché sur un vélo de fortune). Les dialogues ne sont pas toujours très fins. Quant à l’alcool, vis-à-vis duquel des mises en garde sont aujourd’hui légion, il est décliné comme une véritable potion magique lors de la bagarre générale. De quoi rappeler d’une certaine manière les légendes de l’Ouest américain avec ses bagarres dans les saloons. Oui, une petite touche américaine déjà amorcée par l’apparition de la chanteuse Lola (Simone Renant).
Malgré quelques petites choses perfectibles, notons quand même une prestation haute en couleurs de Françoise Dorléac alors que le réalisateur a dû batailler ferme avec les producteurs pour l’imposer... et parvenir à une belle réussite. En effet, autant elle ne manque pas d’air en début de film, autant elle se lâche comme si elle avait été vraiment droguée. Et quand je dis qu’elle se lâche, c’est un euphémisme ! C’est à croire qu’elle révèle des côtés insoupçonnés de sa personnalité. En tout cas, de son personnage. Et puis on notera quelques phrases succulentes de double sens, comme un fameux « bouclez-la ».
On notera aussi une construction assez habile, dans le sens que le casse qui lance le film nous fait partir sur une chasse au trésor pour dériver sur une affaire bien plus lucrative. Sans compter que le long métrage brouille plutôt bien les pistes sur l’auteur du larcin. Mais, à être au Brésil, comment ne pas résister à montrer l’air de rien les ravages de la déforestation massive de l’Amazonie ? Voilà que Philippe de Broca associe le divertissement et l’aventure avec un message écologique ! C’est succinct, mais ça a le mérite d’être dit. Nous étions en 1964, mais rien n’a changé. Et comme pour édulcorer cette banderille, de Broca finit par une petite note d’humour sarcastique en mettant en comparaison les aventures du compagnon d’armes d’Adrien avec celles de ce dernier, sans que celui-ci ne les révèle.
Assurément un bon film, certes perfectible mais au moins, "L’homme de Rio" a le mérite de nous offrir un bon divertissement sans avoir à trop réfléchir.

Stephenballade
7
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le 28 avr. 2020

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5 j'aime

Stephenballade

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