Il y a des moments comme ça...
Je n'avais pas eu l'occasion de me rendre dans mon petit cinéma de campagne depuis longtemps, toujours horriblement déçue par sa programmation, j'en avais même oublié d'y jeter régulièrement un œil. Et puis, on m'a proposé un soir d'aller voir Entre Amis... j'ai décliné l'invitation, parce qu'au prix des places de cinéma, aller voir un film d'humour français avec Daniel Auteuil et Gérard Jugnot... c'était pas ma tasse de thé. Mais bon, comme je suis lancée dans le racontage de vie, je vais jusqu'au bout. Du coup, j'ai jeté un œil à la programmation. Et là je vois qu'ils passent L'Epreuve en VO, lundi à 14h... j'ai envie de dire, parfait, il fait si chaud à cette heure qu'il est impossible de faire quoi que ce soit, alors autant aller au cinéma ! En plus, le lundi c'est moins cher.
M'y voilà donc, nous sommes deux dans la salle, il y a des bandes annonces... dont celle d'Entre Amis qui m'a fait sauter de joie à l'idée d'y avoir échappé. Le film commence... oh la belle photographie ! Dès la toute première seconde, on voit que le réalisateur a un œil et un désir qui va plus loin que celui de raconter des histoires avec des champ-contrechamps. Des plans qui mêlent beauté et sens, des jeux de regard qui passent par les tripes... On est loin ici des plans mathématiques à la Kubrick.
Les premières paroles mettent du temps à venir, mais je suis déjà bien dans le film quand je réalise qu'il n'y a ... pas de sous-titres. La seconde personne dans la salle le signale, mais la patronne des lieux ne parvient pas à régler le problème. Elle nous propose le passer en VF, et par bonheur, nous nous exclamons toutes les deux d'un "Ah non" catégorique. Ouf, sauvés.... Les dialogues sont simples, l'anglais parlé par une française, un danois et des irlandais pas trop bourrus, tout va bien. Et l'avantage, c'est que jamais les yeux ne glissent en dehors de cette photo sensible.
Les acteurs sont sublimes, à l'exception pas très grave de la petite fille qui joue le rôle de Lisa... mais c'est sans doute un peu la faute du personnage. Les autres portent leur rôle, et les émotions fortes qui vont avec... Juliette Binoche, bien sûr, qui dégage ! Ah, son visage nous injecte les ressentis directement dans le cœur. Même si on approuve rarement les actions de son personnage. Même si les justifications desdits actes ne sont pas valables à mes yeux. Même s'il n'y a pas de dénouement heureux et qu'on a une boule dans la gorge et des craquelures dans l'âme en sortant de là.
Nikolaj Coster-Waldau, c'est l'incarnation ici de l'homme sans défaut. L'homme débordant d'amour et de bienveillance... mais on l'attrape au moment où le vase déborde. Où il n'en peux plus, où son amour pour sa femme s'est transformé en peur et en chagrin qui pèsent fort, si fort...
Le sujet même est intéressant. Cette façon si peu américaine de suivre cette famille, cette femme photographe de guerre, pleine de courage et d'inconscience mais bien éloignée du héros et des sentiments nobles... sous couvert d'"informer les gens", c'est la colère et l'obsession qui motivent les situations si dangereuse dans lesquelles elle se place.
Le déchirement entre eux, sa famille, les bons choix, et l'appel du départ, là-bas, l'horreur, où une enfant-bombe attend d'être photographiée. C'est très humain, sans hypocrisie et avec une belle place pour le bénéfice du doute.
Je ne sais pas si on peut parler de grand film, mais j'ai aimé.
Expression publiée en 2015 sur le blog Zinema