Juste avant sa Cérémonie, Chabrol reprend le projet abandonné par Clouzot, L'enfer – auquel un documentaire de Bromberg (2009) sera consacré. Il y infuse un minimum d'idées en propre et choisit de dégonfler le scénario, ou de le laisser à plat. Au lieu de soigner le drame et les caractères il valorise la maladie et les symptômes, mais repousse assez longtemps l'abandon à cette paranoïa masculine.


La première moitié présente une histoire de couple des plus triviales, centrée sur l'anxiété du mari potentiellement trompé. L'aspect est proche du téléfilm (dont l'extrême-Sud est également une zone privilégiée) sans qu'il y ait de contrepartie. Ce n'est pas rare chez cet auteur, mais Rien ne va plus sera autrement amusant et Au cœur du mensonge aura une plus grande consistance dramatique. La femme jouée par Beart semble d'abord dans la rouerie permanente, même prise sur le fait, ce qui met a-priori le spectateur du côté de son conjoint. Lui est à cran, se défend mal et favorise ainsi la duplicité de 'la belle'.


Au milieu du film ses fantasmes prennent le dessus sur la vérité. À partir de là cohabitent la parano, où l'image est plus colorée et l'homme semble effectivement cocu, avec des périodes où il apparaît inquiétant et décalé. Le focus sur la psychose de Paul (Cluzet) se fait au prix de la lumière sur cette affaire, car si les doutes ont pris des proportions fantaisistes (où l'ensemble des autres hommes deviennent des concurrents), l'accusation initiale (impliquant le personnage de Marc Lavoine) est encore largement défendable. Cette dérobade conduit logiquement à une non-fin fière d'elle-même, après que cet Enfer ait flirté avec Hitchcock et le clip giallo.


https://zogarok.wordpress.com/2018/03/30/lenfer-chabrol/

Zogarok

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