Quelques années avant Furyo, Nagisa Ôshima pondait (et je n'emploie pas ce terme par hasard) en 1976 une oeuvre on ne peut plus polémique, unique et sulfureuse, qui serait de nos jours bien évidemment interdite aux mineurs...
Et pour le coup, je comprends parfaitement que certains ne peuvent pas le saké (hihi) cet Empire des Sens, notamment à cause du malaise qu'il peut générer, mais c'est surtout que ce drame bouscule tout ce que nous avons l'habitude de voir : de la pornographie d'auteur, dramatique et presque poétique, ayant le souci de l'intrigue et de la psychologie des personnages...
Clairement, tout tourne autour du cul. On ne parle ici que de ça. Et on ne montre que ça. Enfin, pas tout à fait, puisque il y a aussi quelques jolis plans d'extérieur et surtout d'intérieur, comme de jolies musiques traditionnelles. L'histoire s'avère d'ailleurs assez simple : dans le Japon d'avant-guerre, une très jolie jeune femme (Sada), plus ou moins servante plus ou moins geisha, tombe amoureuse du propriétaire (Kichizo) de l'auberge où elle travaille, au point de devenir maladivement jalouse de sa femme (qu'elle saignerait bien) et possessive vis-à-vis de... sa queue. Sada souffre effectivement d'un petit problème de nymphomanie et rêverait de passer chaque seconde de sa vie à baiser cet homme... Et comme pour toutes les dépendances : plus on le fait, plus on a envie de le faire, et plus la jouissance est difficile à obtenir.
On apprendra sur la fin du film la perte précoce de Sada, expliquant partiellement ses penchants sexuels et morbides. Le transfert amoureux, son besoin de posséder l'homme qu'elle aimait à travers celui qu'elle aime, et à travers son sexe surtout. Son obsession. Son désir d'accaparement. De pouvoir de vie et de mort sur l'être aimé. L'ultime jouissance. Entre eux deux se joue un amour fou, et une sexualité, rapidement perverse et violente, assumée... D'ailleurs, les servantes devant supporter leurs ébats à chaque service s'en plaignent : "Oh ! Vous n'êtes pas en train de besogner ? C'est étonnant !"
De pudiques lesbiennes pour ouvrir le bal, un papy qui se touche, le sexe du patron sous toutes les coutures, une rivière féconde coulant depuis la bouche de Sada, un petit oiseau de porcelaine dans la copine avant l'orgie (superbe scène avec le vieux danseur), de succulents mets sauce-minou, une poule à mourir de rire, un gamin qui se fait tirer l'élastique, la gouvernante de 68 ans baisée à en crever, de l'étranglement et un couteau... Y a pas à dire, les idées coquines et plus perverses foisonnent !
En revanche, la scène finale, et surtout le dernier plan, s'avèrent particulièrement éprouvants, et trop longs surtout. L'Empire des Sens n'est pas non plus un film bandant, parce qu'il manque quand même pas mal d'érotisme à ce sexe trop cru. Mais au moins il y a une certaine profondeur... Et cette histoire inspirée de faits réels se conclut sur les conséquences étonnantes qu'aurait eu le dernier acte de Sada sur son psychisme. Il semblerait même qu'elle soit devenue une sorte de symbole dans son pays. Un symbole de féminisme jusqu'au-"bout"iste ? :X
Une expérience marquante, presque traumatisante pour nos kikis d'hommes, mais une expérience unique et passionnante. Parfois belle. Mais bon, c'est pas le genre de films que je me repasserais tous les ans... Voire même tous les 5 ans...