Jesse James, hors la loi de la fin du 19ème siècle, se fera assassiner par le jeune et envieux Robert Ford. Mais derrière ce titre laconique et cette fameuse lâcheté se cachent une ambiguïté et une dramaturgie beaucoup plus intenses. Andrew Dominik s’attaque à l’icône Jesse James et au lieu d’en faire un portrait purement iconique et flamboyant, il dessine la vision presque fantomatique d’un personnage tiraillé par ses propres démons entre mort et démence à l’aura terrifiante pour ses proches. Un homme qui tue presque de sang froid ou qui torture violement un enfant pour des raisons faméliques. C’est l’envers de la médaille de l’empire de l’Ouest, une vie vécue à travers le regard des autres.

Son aura, sa célébrité, son ingéniosité, inventées ou manipulées, le désintégrera petit à petit, une perdition rendue atmosphérique dans une fresque évanescente. A l’image d’un récit en eaux troubles composé d’un montage narratif évasif se perdant un peu dans les intrigues secondaires, le western d’Andrew Dominik démontre une grande sensibilité. Les coups de feu sont rares mais touchent irrémédiablement leurs cibles. Ici prédomine l’intime poétique et non pas les grandes évasions épiques. Les non-dits et les silences font foi dans un long métrage qui se révèle être un écrin visuel naturaliste de toute beauté notamment grâce au travail fabuleux de Roger Deakins à la photographie et la composition musicale de Nick Cave et Warren Ellis.

On a en face de nous un western en apesanteur, aux paysages à l’horizon magique, un brin maniéré mais d’une délicatesse sourde délicieuse qui s’approche des débuts de Terrence Malick (Balade sauvage, Les moissons du ciel). Ce qui intéresse le réalisateur, c’est l’arrière du décor, la réflexion de notre place dans le monde et de la réelle importance de la consécration collective de nos actes, une glorification moribonde d’un homme qui ne cessera de se dissoudre où la vérité sera loin de la réalité.

A partir de là, le réalisateur va construire une relation vaporeuse et conflictuelle entre deux hommes où le lien qui les unira sera à difficile à définir. Haine, jalousie, amour, fraternité. Un duel à distance et intérieur entre deux acteurs impressionnants de retenus et de justesse. La déliquescence du regard d’un Brad Pitt habité face à la voix chevrotante d’un Casey Affleck à la folie contenue. Le jeune Robert Ford, en quête de popularité et de célébrité, choses qui auront raison de lui par la suite, suit les traces de son « héros ». Mais que veut-il réellement ? Prendre sa place ou lui ressembler ? Un trouble de personnalité dans un monde qui marche sur des œufs, une envie insatiable de grandeur pour sortir d’un quotidien abscons.
Velvetman
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le 10 nov. 2014

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