ça commence plus ou moins comme une comédie lycéenne assez typique. Au Lycée Carver, on prépare l'élection du président des lycéens.
Mais, très vite, ça dérape. Dès la présentation des personnages principaux, on sent qu'on sort du classicisme hollywoodien de base. Le prof qui a couché avec son élève et dont il est fou amoureux, l'autre prof obsédé sexuel, l'élève si ambitieuse qu'elle est prête à tout pour réussir (et qui donne son titre français au film), une élève lesbienne qui cherche tous les moyens pour se faire virer du bahut, et le fameux et populaire champion de foot américain, la galerie des personnages est plutôt atypique. Car tous ces personnages sont des obsédés, à leur façon. Par le sexe, par le pouvoir, etc. Chacun a ses propres ambitions.
Cela crée, forcément, des situations pour le moins rocambolesques (je retiens le coup de l'interrogation surprise, ça peut toujours servir). Et l'humour est vraiment omniprésent ici. Un humour sarcastique, décapant, grinçant.
Car le propos est clair : derrière ce tableau énergique de la vie d'un petit lycée de province, il y a une satire féroce du système politique américain. Le Lycée Carver, c'est les USA en miniature, avec son système électoral plus que douteux. Élections truquées, ambitions démesurées, candidats manipulés dans l'ombre, le constat a rarement été aussi sévère, d'autant plus brutal qu'il se cache sous les allures d'une agréable comédie.

Le système narratif complexe employé dans ce film est une vraie réussite également. Le cinéaste a choisi de multiplier les points de vue. L'histoire est racontée par quatre personnages, dont les voix off s'entremêlent (c'est d'ailleurs rare de voir un emploi réussi de ce procédé). Cela permet bien de voir la différence fondamentale entre les pensées des personnages et l'image qu'ils donnent d'eux-mêmes. Le cinéaste insiste sur la séparation entre les actions des personnages (ce que l'on voit de l'extérieur) et les désirs qui ont suscité ces actions, leur motivation (ce qu'on ne peut pas connaître de l'extérieur et qui pourtant fait toute la différence).
A ces quatre voix s'en ajoute une cinquième, celle du cinéaste lui-même. Un cinéaste qui, finalement, renvoie dos à dos tous ses personnages, dont pas un n'est capable de relever la situation.
Un cinéaste surtout qui déploie toute son ironie dans tout un système narratif plus complexe qu'il n'y paraît de prime abord, jouant avec des arrêts sur image volontairement disgracieux, des références musicales et des clins d’œil cinéphiliques qui donnent une profondeur à son récit.
Au final, un grand film politique qui se cache sous des allures trompeuses de petite bluette.
SanFelice
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le 15 sept. 2014

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SanFelice

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