Grand fan de Lovecraft, j'étais impatient de découvrir l'antre de la folie de part les abondantes critiques positives observées à gauche et à droite ainsi que le nombre important de mentions dans des Top dédiés à Lovecraft.

J'ai grandement apprécié le début du film, malgré sa mise en oeuvre bien ancrée dans son époque et potentiellement étrange voir kitsch pour quelqu'un qui, comme moi, est plutôt amateur de réalisations plus modernes. Petit à petit les éléments d'intrigue semblent se mettre en place et on peut d'ores et déjà observer -à mon sens- une bonne utilisation de références et d'inspirations relatives aux histoires du créateur de Cthulhu, ce qui, en tant que fan de l'univers de l'écrivain, est un point fort agréable (mais hautement subjectif). Les évènements suivants accentuent fortement l'aspect surnaturel du récit, jusqu'à jouer avec la réalité telle que nous la définissons actuellement. Pour ma part, lorsque un récit déséquilibre autant la réalité commune, j'apprécie que d'autres règles, qu'elles soit loufoques ou non, implicites ou explicites, soient accessibles durant le film (ou à la fin) afin de garantir une certaine compréhension et lisibilité des actions, possibilités et motivations de chaque protagoniste. Et c'est à partir de là pour moi que le film pèche. De façon plus ou moins suggérée, le film aborde deux ensembles de nouvelles règles (se substituant aux règles que nous connaissons) :

Le premier est celui de divinités supérieures et maléfiques, l'autre celui d'une oeuvre de fiction dont l'écrivain est le seul maître de la destinée. Le problème réside pour moi dans le fait que ces ensembles de règles, dans leur exposition déjà floue et peu développée, sont inconciliables sans autres précisions. J'ai vu des gens devenir fou mais sans que la cause, l'origine, la nature de cette folie soit révélée. Au final, pourquoi les gens se massacrent-ils ? Est-ce le fait de savoir que quelqu'un manipule leur destin ? Je ne m'imagine pas prendre une hache parce que je lis un paragraphe où il est écrit que je vais le faire. Dans ce cas-là, vais-je prendre la hache contre mon gré car une force surnaturelle m'y oblige physiquement ? Cette force vient-elle de l'écrivain ou des créatures maléfiques ? Comment cette force pourrait-elle m'obliger à faire ceci ? Elle contrôle mon esprit ? Mon corps ? Pourquoi lire ces mots permet à la force de s'emparer de moi ? Que se passe-t-il vraiment ?

Peut-on réellement parler de folie ?

Cette dernière question est pour moi centrale pour pouvoir juger du manque d'ingéniosité du film concernant son thème principal. Ce n'est pas parce que la folie décrit des comportements obscures que les causes de ces comportements le sont eux aussi. Il est plus facile de dire, certes, mais montrer est bien plus intéressant. La psychologie ainsi que la psychiatrie sont capables de décrirent les raisons, les situations qui mènent à ces comportements inquiétants et inadaptés. La folie s'explique. Et c'est bien là, pour moi, ce qui marque la différence de traitement entre les récits de la folie de Lovecraft et celui du film ; L'antre de la folie m'a laissé de marbre car j'ai été incapable de comprendre pourquoi les choses étaient ainsi, ce qui était réel, ce qui ne l'était pas, de comprendre les enjeux, les règles, les possibilités, la nature des choses, et ceci même après la dernière scène du film (oui, les gens deviennent fous, mais pourquoi ?). En l'absence de règles et de contraintes pour les protagonistes, il me paraît difficile d'identifier des enjeux ou une intrigue, et de s'intéresser au sort des personnages. King, Lovecraft et d'autres, nous ont raconté des histoires nous rappelant que nous sommes tous constamment sur la ligne, et qu'une bonne empathie pour les personnages présentés nous font comprendre leur folie et la rend légitime, ce qui provoque la plupart du temps chez le lecteur un certain effroi. Qui ne pense pas devenir fou après avoir lu les notes du professeur Angel ou d'avoir été témoin de la vie du jeune Charles Dexter Ward ? Pour ma part, je ne comprend toujours pas l'univers de John Trent, qui le dirige, pourquoi et comment, dans une proportion nécessaire pour lire et apprécier le film.

Je suis donc supris des éloges qui entourent le film. Je ne le conseille pas aux amateurs de frissons, cependant, si vous êtes friand de références au père Dagon sans être regardant quant à la qualité de traitement des thèmes chers à Lovecraft (la folie, la peur cosmique, la peur d'être insignifiant, etc.), alors vous pourriez sans doute trouver votre compte.

DynFaust
5
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le 13 août 2022

Critique lue 89 fois

DynFaust

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