François Ozon mimique David Cronenberg dans un thriller gentiment pervers aux airs de déjà-vu.


En 1988, David Cronenberg sortait Faux-Semblants, petit perle horrifique dans laquelle Jeremy Irons, gynécologue légèrement frappé, partage une amante avec son jumeau. Trente ans plus tard, François Ozon lui rend (un peu trop) hommage avec cette romance malsaine entre la fragile Chloé (Marine Vacth) et son psy (Jérémie Renier).


Sortant de sa zone de confort, le cinéaste quitte le charme discret de la bourgeoisie déviante pour effleurer le cinema d’horreur, voire la série B. Il est donc d’autant plus extraordinaire de voir un film de cet nature en Compétition officielle à Cannes, bien qu’il soit pudiquement qualifié de thriller érotique. Après un premier quart d’heure assez insignifiant, on se laisse volontiers embarquer dans les fantasmes gémellaires du cinéaste et les petits jeux (souvent érotiques) de dupes qui pavent Les amants doubles. L’alchimie Vacth-Renier fonctionne plutôt bien, l’ambiance s’installe agréablement et on se prend même parfois à frissonner… ou à rire. On ne rit pas avec le film, mais de lui, en espérant que c’était bien là l’intention de François Ozon qui s’amuse parfois avec les codes du cinéma horrifique cliché.


Mais Les amants doubles souffre de ses inspirations autant qu’il s’en nourrit. Adapté très librement d’un roman de Joyce Carol Oates, il multiplie les clins d’œil à ses maîtres : Alfred Hitchcock, Orson Wells… ou encore Ridley Scott ? Vendu comme un thriller à la De Palma, L’amant double est surtout, au-delà de son scénario, une copie édulcorée des obsessions cronenbergiennes de la première heure : les chairs déformées, la terreur de l’outil medical, la perversite sexuelle, le plaisir dans la violence, la vision altérée de la réalité. Et puis, un twist ultra-prévisible, digne des pires (et donc des meilleurs !) épisodes de Nip/Tuck, soap opera médical de génie.


Il en résulte un film nonchalament plaisant, pas inintéressant ni ennuyeux, mais plombé par ses références qui le cannibalisent jusqu’à nous faire oublier qu’il y avait François Ozon à la barre.

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le 26 mai 2017

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